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DEUXIÈME ENNÉADE.

raison sépare des êtres leurs propriétés, qu’elle ne leur enlève rien, qu’elle se borne à concevoir et à engendrer une chose différente de ces êtres, elle engendre la qualité, qu’elle conçoit comme la partie superficielle de l’essence. Dans ce cas, rien n’empêche que la chaleur du feu, en tant qu’elle lui est naturelle, ne constitue une forme, un acte, et non une qualité du feu ; elle est une qualité quand elle existe dans un sujet où elle ne constitue plus la forme de l’essence, mais seulement un vestige (ἴχνος), une ombre (σϰία), une image (εἰϰὼν) de l’essence, parce qu’elle se trouve séparée de l’essence dont elle est l’acte.

On doit donc regarder comme des qualités toutes les choses qui, au lieu d’être des actes et des formes des essences, n’en sont que des accidents et n’en font connaître que des caractères (μορφαί). On donnera ainsi le nom de qualités aux habitudes (ἔξεις) et aux dispositions (διαθέσεις) qui ne sont pas essentielles aux substances[1]. Les archétypes des qualités (ἀρχέτυπα) sont les actes des essences qui sont les principes de ces qualités. La même chose ne peut tantôt être, tantôt n’être pas qualité. Ce qui peut se séparer de l’essence est qualité ; ce qui reste uni à l’essence est essence[2], forme, acte. En effet, aucune chose ne peut être la même dans son principe [l’essence] et dans le sujet qui diffère de son principe, sujet dans lequel elle cesse d’être une forme et un acte. Ce qui, au lieu d’être la forme d’un être, en est toujours un accident, est purement et simplement une qualité.


  1. Voy. plus haut, p. 237, note 1.
  2. M. Kirchhoff retranche le mot οὐσία, essence ; ce retranchement ne nous paraît pas motivé.