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DEUXIÈME ENNÉADE.

paraissent être des qualités[1], enfin de l’impénétrabilité, il ne restera que l’étendue à trois dimensions, et la matière sera l’essence. Mais cette hypothèse ne parait pas vraisemblable ; c’est plutôt la forme qui est l’essence.

La forme est-elle une qualité ? Non, la forme est une raison[2]. Qu’est-ce qui est constitué par le sujet [la matière] et la raison ? Ce n’est [dans le corps chaud] ni ce qui brûle ni ce qui est visible, c’est la qualité. On dira peut-être que la combustion est un acte émanant de la raison (ἐνέργεια ἐϰ τοῦ λόγου) ; qu’être chaud, être blanc, etc., sont des actes. Dans ce cas, nous ne saurons pas en quoi faire consister la qualité.

Nous ne devons pas appeler qualités les choses que nous nommons le complément de l’essence, parce que ce sont des actes de l’essence, actes qui proviennent des raisons et des puissances essentielles (ἐνέργειαι ἀπὸ τῶν λόγων ϰαὶ τῶν δυνάμεων τῶν οὐσιωδῶν ἰοῦσαι). Il faut réserver le nom de qualités pour les choses qui sont en dehors de l’essence, qui ne paraissent pas tantôt être, tantôt n’être pas des qualités, et

  1. Voy. plus haut, p. 237, note 1.
  2. Ficin, dans son commentaire sur ce paragraphe, fait la remarque suivante sur les divers sens qu’a dans Plotin le mot λόγος, raison : « Vocat substantialem formam sæpe hic et alibi rationem, quia in primis rationi ideali seminariæque respondet, perque ipsam res ipsa tum intelligitur, tum præcipue definitur, et quia proprie ratione cognoscitur. » Nous avons déjà établi plus haut (p. 197, note), que, d’après Plotin, la raison (forme rationnelle), image de l’idée (forme intelligible), est, comme l’idée, mais à un degré inférieur, essence et puissance (ou, pour employer la langue d’Aristote, cause formelle et cause efficiente) ; que la raison réside dans l’âme (qui est une raison et dont les facultés sont des raisons, p. 230), comme l’idée réside dans l’intelligence ; qu’engagée dans la matière, la raison y produit la forme du corps (p. 189, note 4), y est le principe des qualités, et, dans ce rang inférieur, s’appelle raison séminale ou nature. Nous ajouterons ici, comme le fait Ficin, que la raison est connue par la raison discursive, faculté fondamentale de l’âme humaine (p. 44).