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LIVRE SIXIÈME.

peut être composée de non-essences ? Nous avons dit que les choses soumises à la génération ne sauraient être identiques aux principes dont elles proviennent. Ajoutons maintenant qu’elles ne sauraient être des essences. Mais comment peut-on dire que l’essence intelligible est constituée par une non-essence ? C’est que, dans le monde intelligible, l’essence, formant un être plus pur et plus relevé, est une essence constituée en quelque sorte par les différences de l’être[1] ; ou plutôt, nous pensons qu’on doit la nommer essence en la considérant avec ses actes (μετὰ ἐνεργειῶν). Cette essence semble être une perfection de l’être (τελείωσις) ; mais peut-être l’essence est-elle moins parfaite quand on la considère ainsi avec ses actes : car, étant moins simple, elle s’écarte de l’être.

II. Considérons ce qu’est la qualité en général. Quand nous connaîtrons ce qu’elle est, nos doutes cesseront. D’abord, faut-il admettre qu’une même chose est tantôt une qualité, tantôt un complément de l’essence ? Peut-on avancer que la qualité est le complément de l’essence, ou plutôt de telle (ποιά) essence ? Pour que l’essence soit telle, il faut que l’essence et la quiddité existent déjà avant que l’essence soit telle.

Quoi donc ? Est-ce que dans le feu l’essence est l’essence simplement avant d’être telle essence ? Dans ce cas, elle sera un corps. Donc le corps sera une essence : le feu sera un corps chaud. Le corps et la chaleur pris ensemble ne seront pas l’essence ; mais la chaleur existera dans le corps comme existe en toi la propriété d’avoir le nez camus[2]. Donc si l’on fait abstraction de la chaleur, de l’éclat, de la légèreté, qui

  1. « L’essence d’une chose [selon Aristote] se compose de tout ce qui s’en affirme universellement et sans quoi elle ne peut être conçue, c’est-à-dire, de ses attributs nécessaires. » (M. Ravaisson, t. I, p. 520.)
  2. Cet exemple est emprunté à la Métaphysique d’Aristote, VII, 5.