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DEUXIÈME ENNÉADE.

que la chaleur est le complément de l’essence du feu. Si l’on dit que l’ignité (πύροτης) est l’essence du feu, la blancheur aussi est l’essence de la céruse ; cependant l’ignité du feu visible est la chaleur, qui forme le complément de son essence ; la blancheur remplit le même rôle à l’égard de la céruse. Donc [selon les êtres] les mêmes choses seront des compléments d’essence et ne seront pas des qualités ; ou bien elles ne seront pas des compléments d’essence et elles seront des qualités ; mais il ne serait pas raisonnable d’avancer que ces qualités sont différentes selon qu’elles sont ou non des compléments d’essence, puisque leur nature est la même.

Il faut dire que les raisons qui produisent ces choses [comme la chaleur, la blancheur] sont des essences si on les prend dans leur totalité ; mais si l’on considère les productions de ces raisons, ce qui constitue une quiddité (τὸ τι) dans le monde intelligible devient une qualité dans le monde sensible[1]. Il en résulte que nous nous trompons toujours au sujet de la quiddité, que nous nous égarons en cherchant à la déterminer, et que nous prenons pour elle la simple qualité[2] : car le feu n’est pas ce que nous appelons feu, quand nous percevons une qualité ; il est une essence. Quant aux choses sur lesquelles nous arrêtons nos regards, nous devons les distinguer de la quiddité et les définir des qualités d’êtres sensibles ; car elles ne constituent pas l’essence, mais des affections (πάθη) de l’essence[3].

On est conduit ainsi à demander comment une essence

  1. L’expression τὸ τι ἦν εἶναι est une abréviation de la locution τὸ τι employée par Aristote dans la Métaphysique (VII, 4) pour désigner la forme essentielle. Pour rendre en français la formule grecque, on est obligé d’avoir recours au terme scolastique de quiddité. Il a été inventé pour servir d’équivalent à τὸ τι ἦν εἶναι, en exprimant ce qu’une chose est selon le quid, selon l’être, et non pas selon le quale, le quantum, etc. Voy. M. Ravaisson, t. I, p. 149-150.
  2. Platon, Lettre 7, p. 343. Voy. la Note sur ce livre.
  3. Voy. p. 237, note.