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LIVRE SIXIÈME.

dans la raison [séminale], elle est un complément d’essence et non une qualité ; si elle se trouve à la surface d’un objet, elle est une qualité.

Il faut distinguer deux espèces de qualités : la qualité essentielle (τὸ ποιὸν οὐσιῶδες), qui est une propriété de l’essence (ιδιότης τῆς οὐσίας), et la simple qualité (τὸ μόνον ποιὸν), qui fait que l’essence est de telle façon (ϰαθ’ ὅ ποιά οὐσία). La simple qualité n’introduit pas de changement dans l’essence et n’en fait disparaître aucun caractère ; mais, quand l’essence existe déjà et qu’elle est complète, cette qualité lui donne une certaine disposition extérieure (διάθεσις ἔξωθεν), et lui ajoute quelque chose, qu’il s’agisse d’une âme ou d’un corps : ainsi la blancheur visible, qui est le complément de l’essence de la céruse, ne l’est pas de celle du cygne, parce qu’un cygne peut n’être pas blanc[1]. La blancheur est le complément de l’essence de la céruse, de la même manière

  1. Plotin discute dans ce passage, ainsi que dans les deux paragraphes suivants, la doctrine exposée par Aristote sur la qualité dans ses Catégories. En voici le résumé : « La qualité est ce qui fait qu’on dit des êtres qu’ils sont de telle façon (ποιοί). » La première espèce de qualité, c’est l’habitude (ἕξις) et la disposition (διάθεσις). La différence de l’une à l’autre, c’est que l’habitude est beaucoup plus stable que la disposition : la science et la vertu sont des habitudes ; la chaleur, la maladie, sont des dispositions. La puissance et l’impuissance naturelle forment la seconde espèce de la qualité, d’après laquelle on dit que les êtres sont susceptibles de faire ou de souffrir certaines choses avec plus ou moins de facilité : ainsi la mollesse est la puissance qu’ont les choses d’être aisément divisées. La troisième espèce comprend les qualités affectives (παθητιϰαὶ ποιότητες), ainsi nommées parce qu’elles causent une affection au dehors, par exemple, la douceur, la chaleur ; ou qu’elles viennent elles-mêmes d’une affection, d’une impression sensible, par exemple, la blancheur et les autres couleurs. La dernière espèce de la qualité, c’est la figure et la forme extérieure essentielle de chaque chose (σχῆμα τε ϰαὶ ἡ περὶ ἕϰαστον ὑπάρχουσα μορφή) ; ainsi la courbure d’une chose. Voy. M. Barthélemy-Saint-Hilaire, De la Logique d’Aristote, t. I, p. 167-171.