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DEUXIÈME ENNÉADE.

organes sont séparés, parce que ce sont des images au lieu d’être de véritables essences.

Nous dirons donc que, dans le monde intelligible, les qualités sont des différences essentielles dans l’être ou l’essence (τὰς ποιότετας ἐϰεῖ ουσίας διαφορὰς περὶ ουσίαν οὖσας ἡ περὶ ὄν) ; ces différences font que les essences sont distinctes les unes des autres, en un mot, sont des essences. Cette définition semble raisonnable. Mais elle ne convient pas aux qualités qui sont ici-bas : les unes sont des différences d’essence, comme bipède, quadrupède[1] ; les autres ne sont pas du tout des différences, et pour cela même sont appelées des qualités. Cependant la même chose peut paraître une différence quand elle est un complément de l’essence (συμπληροῦσα τὴν οὐσίαν), et ne pas paraître une différence quand elle n’est pas un complément de l’essence, mais un accident (συμϐεϐηϰός) : ainsi la blancheur est un complément d’essence dans le cygne ou la céruse ; en toi, elle est un accident[2]. Tant que la blancheur est

  1. « La qualité est d’abord la différence qui distingue l’essence : ainsi l’homme est un animal qui a telle qualité parce qu’il est bipède ; le cheval parce qu’il est quadrupède... Qualité se dit encore des attributs des substances en mouvement : telles sont la chaleur et le froid, la blancheur et la noirceur, la pesanteur et la légèreté, et tous les attributs de ce genre que peuvent revêtir tour à tour les corps dans leurs changements alternatifs. Enfin cette expression s’applique à la vertu et au vice, et en général, au mal et au bien. » (Aristote, Métaphysique, V, 14 ; t. I, p. 183 de la trad.)
  2. « Accident se dit de ce qui se trouve dans un être et peut en être affirmé avec vérité, mais qui n’est cependant ni nécessaire, ni ordinaire. Supposons qu’un musicien soit blanc ; comme ce n’est ni nécessaire ni général, c’est ce que nous nommons accident... Le mot accident s’entend encore d’une autre manière ; il se dit de ce qui existe de soi-même dans un objet, sans être un des caractères distinctifs de son essence : telle est cette propriété du triangle que ses trois angles valent deux droits. » (Aristote, Métaphysique, V, 30 ; t. I, p. 207 de la trad.)