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LIVRE CINQUIÈME.

Comment être en acte doit-il s’entendre des choses intelligibles ? Chacune d’elles est-elle en acte parce qu’elle a reçu la forme, comme la statue (le composé)[1] est en acte, ou plutôt parce qu’elle est une forme et que son essence est une forme parfaite ? L’intelligence ne passe pas de la puissance de penser à l’acte de penser[2]. Sinon, elle supposerait une intelligence antérieure qui ne passerait pas de la puissance à l’acte, qui posséderait tout par elle-même : car ce qui est en puissance exige un autre principe dont l’intervention l’amène à l’acte afin qu’il soit quelque chose en acte[3]. Quand par lui-même un être est toujours ce qu’il est, il est un acte. Donc tous les premiers principes sont des actes : car ils possèdent par eux-mêmes et toujours tout ce qu’ils doivent posséder. Tel est l’état de l’âme qui n’est pas dans la matière, qui se trouve dans le monde intelligible. L’âme qui est dans la matière est un autre acte ; c’est l’âme végétative, par exemple : car elle est acte dans ce qu’elle est. Faut-il donc admettre que [dans le monde intelligible] tout est en acte et qu’ainsi tout est acte ? Il faut l’admettre parce qu’on a dit avec raison que la nature intelligible est toujours éveillée[4], qu’elle est une vie, une vie excellente, que là-haut sont les actes parfaits. Donc, dans le monde intelligible, tout est en acte, tout est acte et vie. Le lieu des intelligibles est le lieu de la vie, le principe et la source de l’âme véritable et de l’intelligence[5].

IV. Tous les autres objets [les objets sensibles], qui sont une chose en puissance, sont aussi en acte une autre chose, qui, par rapport à la première, est dite être en puissance[6]. Quant à la matière, qui est en puissance tous les êtres,


    puissances rationnelles ou raisons, Voy. plus loin, p. 240, note.

  1. Voy. plus haut, p. 226.
  2. Voy. Aristote, De l’Âme, III, 7 ; Métaphysique, XII.
  3. Voy. plus haut, p. 228, note 2.
  4. Ἡ φύσις ἄγρυπνος, expression de Platon, Timée, p. 52.
  5. Voy. Enn. II III, liv. vi, § 6, et liv. viii, § 3.
  6. La matière de la statue est l’airain en acte et la statue en puissance. Voy. plus haut, p. 224.