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LIVRE CINQUIÈME.

Quant à la puissance qui produit par elle-même ce dont elle est la puissance, c’est-à-dire qui produit l’acte [correspondant à cette puissance], elle est une habitude (ἕξις) ; l’acte [qui correspond à cette habitude] lui doit son nom : l’habitude est, par exemple, la bravoure ; l’acte, être brave[1]. En voici assez sur ce sujet.

III. Expliquons pourquoi nous sommes entré dans les considérations précédentes. Elles avaient pour but de nous amener à déterminer en quel sens on dit que les intelligibles sont en acte, à voir si chaque intelligible n’est qu’en acte ou bien encore n’est qu’un acte ; enfin comment, si tous les intelligibles sont des actes, il peut y avoir aussi là-haut quelque chose en puissance. Si, dans le monde intelligible, il n’y a pas de matière dont on puisse dire qu’elle est en puissance, si nulle essence ne doit y devenir ce qu’elle n’est pas encore, ni se transformer, ni, tout en restant ce qu’elle est, en engendrer une autre, ni en s’épanchant en faire exister une autre à sa place, on ne saurait trouver quelque chose qui soit en puissance dans ce monde des essences éternelles et placées en dehors du temps. Supposons donc que ceux qui admettent que la matière existe, même


    êtres, lesquels sous le rapport du temps sont en acte antérieurement à elles ; car il faut toujours que l’acte provienne de la puissance, par l’action d’un être qui existe en acte : ainsi l’homme vient de l’homme, le musicien se forme sous le musicien ; il y a toujours un premier moteur, et ce premier moteur existe déjà en acte. » (Métaphysique, IX, 8 ; t. II, p. 105 de la trad.)

  1. La distinction que Plotin veut établir peut se formuler ainsi : dans le corps, la matière, le sujet, est une puissance passive, une capacité ; dans l’âme, les dispositions, les habitudes, sont des puissances actives, des facultés. Dans ce passage, Plotin commente encore Aristote : « Des puissances, les unes sont mises en nous par la nature : tels sont les sens ; d’autres nous viennent d’une habitude contractée : ainsi l’habileté à jouer de la flûte ; d’autres enfin sont le fruit de l’étude, par exemple les arts. » (Métaphysique, IX, 5 ; t. II, p. 95 de la trad.)