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DEUXIÈME ENNÉADE.

n’empêche que ces deux choses différentes [être grammairien en puissance, être grammairien en acte] n’aient lieu ensemble ; dans le premier cas, l’homme est seulement grammairien en puissance ; dans le second cas, l’homme est encore grammairien en puissance, mais cette puissance a reçu sa forme [a passé à l’état d’acte].

Si ce qui est en puissance est le sujet (τὸ ὑποχείμενον), si ce qui est en acte est le composé (τὸ σύνθετον, τὸ συναμφότερον), comme dans le cas de la statue, quel nom recevra la forme ajoutée à l’airain ? Il faut nommer acte la forme et le caractère spécifique par lesquels un objet est en acte au lieu d’être simplement en puissance ; ils sont l’acte, non dans un sens absolu, [mais dans un sens relatif, c’est-à-dire] l’acte de telle chose (ἡ τοῦδε ἐνέργεια)[1].

Le nom d’acte conviendrait mieux à l’acte autre [que l’acte de telle chose], à l’acte correspondant à la puissance qui amène une chose à l’acte (ἡ ἐνέργεια ἀντίθετος τῇ δυνάμει τῇ ἐπαγούσῃ ἐνέργειαν). En effet, quand ce qui était en puissance arrive à être en acte, il le doit à une autre chose[2].


    possédant la sensation ou la grammaire sans en faire usage, il passe à l’acte quand il le veut... Ainsi, l’être qui possède la science devient percevant tel objet de sa science ; cela, certes, n’est pas une altération : c’est un simple développement de l’être en lui-même vers sa parfaite réalité, son entéléchie. » (Aristote, De l’Âme, II, 5 ; p. 201 de la trad. de M. Barthélemy-Saint-Hilaire).

  1. « Les principes des êtres sont, par analogie, identiques pour tous les êtres : ils se réduisent à l’acte et à la puissance... L’être en acte, c’est d’un côté la forme, dans le cas où la forme peut avoir une existence indépendante, et l’ensemble de la matière et de la forme ; de l’autre, c’est la privation : ainsi les ténèbres ou le malade. L’être en puissance, c’est la matière ; car la matière est ce qui peut devenir l’un ou l’autre des deux opposés. » (Métaphysique, XII, 6 ; t. II, p. 213 de la trad.)
  2. « La matière, la semence, la faculté de voir » sont antérieures, sous le rapport du temps, à cet homme qui est actuellement en acte, au froment, à la vision ; elles sont en puissance l’homme, le froment, la vision ; mais elles ne les sont pas en acte. Ces puissances viennent elles-mêmes d’autres