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LIVRE CINQUIÈME.

rien en puissance devient grammairien en acte, pourquoi n’y aurait-il pas alors identité entre ce qui est en puissance et ce qui est en acte ? Socrate sage en puissance est le même que Socrate sage en acte. — L’homme ignorant est-il donc le même que le savant, puisqu’il était savant en puissance ? — C’est par accident que l’homme ignorant devient savant : car ce n’est pas en tant qu’il était ignorant qu’il était savant en puissance ; l’ignorance n’était chez lui qu’un accident ; mais son âme, qui était disposée par elle-même [à être savante en acte], reste encore savante en puissance en tant qu’elle est savante en acte, et conserve toujours ce qu’on appelle être en puissance : ainsi le grammairien en acte ne cesse pas d’être grammairien en puissance[1]. Rien

  1. « Comme sentir a pour nous une double acception, et que de l’être qui entend et qui voit en puissance, nous disons qu’il voit et qu’il entend, quoiqu’il soit endormi, tout aussi bien que de l’être qui agit réellement, il faut distinguer dans la sensation ce double sens, et reconnaître, d’une part la sensation en acte, et de l’autre, la sensation en puissance ; il en est de même pour sentir, sentir en puissance et sentir en acte… Il faut distinguer, même pour la puissance, comme pour la réalité parfaite ou entéléchie ; car ici, nous parlons de toutes deux d’une manière absolue. Ainsi nous disons qu’un être quelconque est savant, comme par exemple, nous dirions que l’homme est savant, parce que l’homme fait partie des êtres qui sont savants et qui ont la science [en puissance]. Mais aussi nous disons également d’un homme qu’il est savant, quand il possède la grammaire. Pourtant ces deux hommes ne peuvent pas de la même façon ; l’un peut savoir parce qu’il a tel genre et telle matière [telle substance matérielle organisée de façon qu’il est homme] ; l’autre peut employer son savoir dès qu’il le voudra, en supposant toujours que rien du dehors ne vienne faire obstacle. Mais c’est celui qui applique actuellement sa science, qui est savant en toute réalité, en entéléchie ; c’est celui qui sait, à proprement parler, telle chose spéciale [la grammaire par exemple]. Ces deux premiers hommes sont donc l’un et l’autre savants en puissance ; mais l’un est savant parce qu’il a été modifié par l’étude, qui l’a fait passer souvent d’un état tout contraire à l’état où il est [de l’ignorance à la science] ; l’autre est savant d’une autre façon, parce que,