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DEUXIÈME ENNÉADE.

qu’elle doit recevoir par sa nature, auxquels elle aspire, et qui tantôt valent mieux, tantôt valent moins et détruisent les caractères différents qui sont en acte dans ce sujet[1].

II. Quant à la matière, il faut examiner si elle est une chose en acte en même temps qu’elle est en puissance les formes qu’elle reçoit, ou si elle n’est rien du tout en acte. En général toutes les autres choses, dont nous disons qu’elles sont en puissance, passent à l’état d’acte en recevant la forme et en restant les mêmes. On dira de la statue qu’elle est une statue en acte, et l’on opposera ainsi statue en acte à statue en puissance ; mais statue en acte ne s’affirmera pas de l’airain qu’on disait être une statue en puissance. S’il en est ainsi, ce qui est en puissance ne devient pas ce qui est en acte, mais de ce qui était précédemment [une statue] en puissance provient ce qui est ensuite [une statue] en acte. En effet, ce qui est en acte, c’est le composé et non la matière, c’est la forme ajoutée à la matière ; cela a lieu quand une autre essence est produite, quand de l’airain, par exemple, on fait une statue ; car c’est cette essence autre que l’airain qui constitue la statue, c’est-à-dire, le composé[2].

Dans les objets qui n’ont aucune permanence, ce qu’on dit être en puissance est évidemment une chose toute différente [de ce qu’on dit être en acte]. Mais quand le grammai-

  1. Voy. plus haut, p. 202, note.
  2. « La sphère d’airain est le produit de l’airain et de la sphère ; telle forme a été produite dans tel objet, et le produit est une sphère d’airain. Si l’on veut qu’il y ait réellement production de la sphère, l’essence proviendra de quelque chose ; car il faudra toujours que l’objet produit soit divisible, et qu’il y ait en lui une double nature : d’un côté la matière, de l’autre, la forme. Il y aurait donc d’une part le sujet sur lequel agit la cause efficiente, de l’autre, la forme qui se réalise dans ce sujet, enfin l’ensemble de ces deux choses, de la même manière que pour la sphère d’airain. » (Métaphysique, VII, 8 ; t. II, p. 27 de la trad.).