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DEUXIÈME ENNÉADE.

est un acte est aussi en acte, ou si ce sont deux choses différentes, en sorte que ce qui est en acte ne soit pas nécessairement un acte.

Il y a dans l’ordre des objets sensibles quelque chose qui est en puissance ; c’est évident. Y a-t-il aussi dans les intelligibles quelque chose qui soit en puissance ? C’est ce qu’il faut examiner : il faut voir si les intelligibles sont seulement en acte, et si, en admettant qu’il y ait dans les intelligibles quelque chose qui soit en puissance, ce qui y est en puissance n’y est toujours qu’en puissance, parce qu’il est éternel, et n’arrive jamais à l’état d’acte, parce qu’il est en dehors du temps[1].

Expliquons d’abord ce qu’on entend par être en puissance. Quand on dit qu’une chose est en puissance, ce n’est pas absolument (ἁπλῶς). Nécessairement, ce qui est en puissance est en puissance relativement à une autre chose : par exemple, l’airain est en puissance une statue[2]. En effet, si rien ne devait (ἔμελλε) être fait soit avec cette chose, soit en elle, si elle ne devait pas être quelque chose au delà de ce qu’elle est, s’il n’était pas possible (ἐνεδέχετο) qu’elle

  1. Au lieu de οὐ τῷ χρόνῳ ἐξείργεσθαι, que donnent les Mss., il faut lire avec Ficin τῷ χρόνῳ ἐξείργασθαι, eo quod tempore minime peragatur, ou avec Creuzer τῷ χρόνου ἐξείργεσθαι, eo quod tempore excluditur. M. Kirchhoff se contente de retrancher οὐ et lit τῷ χρόνῳ ἐξείργεσθαι : cette expression nous semble incorrecte. Le sens est d’ailleurs le même, quelle que soit la leçon que l’on adopte.
  2. « En passant d’un état à un état contraire, l’être devient ce qu’il n’était pas. Ce qu’il n’était pas, il pouvait l’être, et il l’est présentement ; de la puissance il a passé à l’acte. Le mouvement est donc la réalisation du possible. Mais avant de recevoir la forme d’une statue, l’airain n’existait-il pas ? L’enfant n’était-il pas avant de devenir homme ? L’airain existait, mais il n’était pas la statue ; l’enfant n’était pas homme. Le mouvement n’est donc pas la réalisation du mobile d’une manière absolue, mais la réalisation de sa puissance. » (M. Ravaisson, t. I, p. 385.) Voy. Métaphysique, XI, 9.