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LIVRE QUATRIÈME.

À cette condition seule elle sera privée de toutes propriétés.

Le principe qui donne la forme à la matière lui donnera la forme comme une chose étrangère à sa nature ; il y introduira également la grandeur et toutes les propriétés qui sont réelles. Sinon, il sera esclave de la grandeur de la matière, il n’en déterminera pas la grandeur d’après sa volonté, mais d’après la disposition de la matière. Supposer que sa volonté se concerte avec la grandeur de la matière, c’est faire une fiction absurde. Au contraire, si la cause efficiente précède la matière, la matière sera absolument telle que le voudra la cause efficiente, capable de recevoir docilement toute espèce de forme, par conséquent, la grandeur. Si la matière avait la grandeur, elle aurait aussi la figure ; elle serait ainsi plus difficile à façonner. La forme entre donc dans la matière en lui apportant tout [ce qui constitue l’essence corporelle] ; or toute forme contient une grandeur et une quantité qui sont déterminées par la raison [l’essence] et avec elle. C’est pourquoi dans toutes les espèces d’êtres, la quantité n’est déterminée qu’avec la forme : car la quantité [la grandeur] de l’homme n’est pas la quantité de l’oiseau. Il serait absurde de prétendre que donner à la matière la quantité d’un oiseau et lui en imprimer la qualité sont deux choses différentes, que la qualité (τὸ ποιόν) est une raison, et que la quantité (τὸ ποσόν) n’est pas une forme : car la quantité est mesure et nombre.

IX. Mais, nous dira-t-on, comment concevoir une chose sans grandeur ? C’est que toute chose n’est pas identique à la quantité. L’être est distinct de la quantité : car il existe beaucoup d’autres choses qu’elle. Il faut admettre que toute nature incorporelle n’a point de quantité. La matière est

    et sans forme qui reçoit tout (ἀόρατον εἶδός τι ϰαὶ ἄμορφον, πανδεχές), et qui tient en quelque manière à l’être intelligible, mais d’une façon bien douteuse et bien insaisissable. » Pour ce que Plotin a pu emprunter à Aristote, Voy. plus loin, § 11, p. 211, note.