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LIVRE QUATRIÈME.

sa nature. Enfin, les éléments sont nécessairement ou la forme, ou la matière première, ou le composé de la forme et de la matière : ils ne peuvent être la forme parce qu’ils ne sauraient, sans la matière, avoir ni masse ni étendue ; ils ne peuvent être non plus la matière première puisqu’ils sont soumis à la destruction. Ils sont donc composés de forme et de matière : la forme constitue l’essence et la qualité ; la matière, le sujet qui est indéterminé, parce qu’il n’est pas une forme.

VII. Empédocle fait consister la matière dans les éléments (στοιχεῖα)[1] : la corruption à laquelle ils sont exposés réfute cette opinion.

Anaxagore suppose que la matière[2] est un mélange (μίγμα), et, au lieu de dire que celle-ci est la capacité de devenir toutes choses, il affirme qu’elle contient toutes choses en acte[3] ; il anéantit ainsi l’Intelligence qu’il avait introduite dans le monde : car, selon lui, l’Intelligence ne donne pas au reste la forme et la figure : elle est contemporaine de la matière, au lieu de lui être antérieure[4]. Or, il est impossible que l’In-

  1. Empédocle reconnaît quatre éléments, l’eau, l’air, la terre et le feu. Ces éléments subsistent toujours et ne deviennent pas seulement, tantôt plus, tantôt moins nombreux, ils se mêlent et se démêlent, s’agrégent et se séparent. » (Métaphysique, I, 3 ; t. I, p. 16 de la trad.)
  2. Nous lisons avec M. Dübner : τὸ μίγμα ὕλην ποιῶν, au lieu de : τὸ μίγμα ὕδωρ ποιῶν.
  3. « Anaxagore de Clazomène prétend que le nombre des principes est infini. Presque toutes les choses formées de parties semblables ne sont sujettes (ainsi l’eau, le feu) à d’autre destruction que l’agrégation ou la séparation : en d’autres termes, elles ne naissent ni ne périssent, elles subsistent éternellement... Quand Anaxagore dit que tout est dans tout, il dit que le doux, l’amer, que tous les autres contraires comme ceux-là s’y rencontrent également, puisque tout est dans tout, non pas seulement en puissance, mais en acte et distinctement. » (Aristote, Métaphysique, XI, 6 ; t. II, p. 174 de la trad.)
  4. Voy. Enn. V, liv. i, § 9. Énée de Gaza (Théophraste, p. 67) fait allusion à ce passage : Πλωτῖνος τὸν δημιουργὸν σαφῶς