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DEUXIÈME ENNÉADE.

tout changement n’est que le passage d’une forme à une autre[1]. Il suppose un sujet permanent qui reçoive la forme de la chose engendrée et perde la forme antérieure. C’est ce que démontre la destruction : en effet, elle n’atteint que le composé ; donc chaque objet dissous est composé d’une forme et d’une matière. L’induction prouve encore que l’objet détruit est composé. La dissolution le montre également : un vase en se dissolvant donne de l’or ; l’or, de l’eau ; et l’eau, quelque autre chose analogue à

  1. Toute cette démonstration est reproduite d’Aristote : « La substance sensible est susceptible de changement. Or si le changement a lieu entre les opposés ou les intermédiaires, non pas entre tous les opposés (car le son est opposé au blanc), mais du contraire au contraire, il y a nécessairement un sujet qui subit le changement du contraire au contraire : car ce ne sont pas les contraires eux-mêmes qui changent. De plus ce sujet persiste après le changement, tandis que le contraire ne persiste pas. Il y a donc, outre les contraires, un troisième terme, la matière. Il y a quatre sortes de changement : changement d’essence, de qualité, de quantité, de lieu. Le changement d’essence, c’est la production et la destruction proprement dites ; le changement de quantité, l’augmentation et la diminution ; le changement de qualité, l’altération ; le changement de lieu, le mouvement. Le changement doit donc se faire entre les contraires de même espèce, et il faut que la matière, pour changer de l’un à l’autre, les ait tous deux en puissance. Il y a deux sortes d’être, l’être en puissance et l’être en acte ; tout changement se fait de l’un à l’autre : ainsi du blanc en puissance au blanc en acte. De même pour l’augmentation et la diminution. Il suit de là que ce n’est pas toujours accidentellement qu’une chose provient du non-être. Tout provient de l’être, mais, sans doute, de l’être en puissance, c’est-à-dire du non-être en acte ; c’est là l’unité d’Anaxagore (car ce terme exprime mieux sa pensée que les mots : « Tout était ensemble ») ; c’est là le mélange (μίγμα) d’Empédocle et d’Anaximandre ; c’est là ce que dit Démocrite : « Tout était à la fois en puissance, mais non pas en acte. » Ces philosophes ont donc quelque idée de ce que c’est que !a matière. » (Métaphysique, XII, 2 ; t. II, p. 206 de la trad. de MM. Pierron et Zévort.) Voy. M. Ravaisson, Essai sur la Métaphysique d’Aristote, t. I, p. 388.