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DEUXIÈME ENNÉADE.

mière, et que l’intelligence est la raison[1]. Quand l’intelligence considère la raison dans un objet, elle regarde comme ténébreux ce qui est au-dessous de la raison (τὸ ϰάτω), ce qui est au-dessous de la lumière. De même l’œil, étant lumineux[2] et portant son regard sur la lumière et sur les couleurs qui sont des espèces de lumière, considère comme ténébreux et matériel ce qui est au-dessous, ce que cachent les couleurs.

Il y a d’ailleurs une grande différence entre le fond ténébreux des choses intelligibles et celui des choses sensibles : il y a autant de différence entre la matière des premières et celle des secondes qu’il y en a entre la forme des unes et celle des autres. La matière divine, en recevant la forme qui la détermine, possède une vie intellectuelle et déterminée. Au contraire, lors même que la matière des corps devient une chose déterminée, elle n’est ni vivante, ni pensante ; elle est morte malgré sa beauté empruntée[3]. La forme des objets sensibles n’étant qu’une image, leur matière n’est également qu’une image (εἴδωλον). La forme des intelligibles possédant une véritable réalité, leur substance a le même caractère. On a donc raison d’appeler essence la matière, quand on parle de la matière intelligible : car la substance des intelligibles est véritablement une essence, surtout si on la conçoit avec la forme qui est en elle ; alors l’essence est l’ensemble lumineux [de la matière et de la forme]. Demander si la matière intelligible est éternelle, c’est demander si les idées le sont : en effet, les intelligibles sont engendrés en ce sens qu’ils ont un principe ; ils sont non-engendrés en ce sens qu’ils n’ont pas commencé d’exister, que, de toute éternité, ils tiennent leur existence de leur principe ; ils ne ressemblent pas aux choses

  1. Voy. p. 123 de ce volume, note 3.
  2. φωτοειδής : allusion à la théorie platonicienne de la vue. Voy. p. 112 de ce volume et la note 2.
  3. Voy. p. 139, fin.