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LIVRE QUATRIÈME.


DE LA MATIÈRE[1].


I. La Matière est un sujet[2] et un réceptacle de formes (ὑποκείμενόν τι καὶ ὑποδοχὴ εἰδῶν) : telle est l’assertion commune de tous les auteurs qui ont traité de la Matière, et qui sont arrivés à se faire une idée de cette nature d’être ; mais là s’arrête l’accord. Quant à savoir quelle est cette substance (ὑποκειμένη φύσις)[3] ; quelles essences elle reçoit et comment elle les reçoit, ce sont là des questions sur lesquelles les opinions diffèrent.

Les uns[4], n’admettant pas d’autres êtres que les corps, ne reconnaissant pas d’autre essence que celle que les corps contiennent, prétendent qu’il n’y a qu’une seule espèce de matière, qu’elle sert de sujet aux éléments, qu’elle est l’essence même ; que toutes les autres choses ne sont que des passions (πάθη) de la matière, que la matière modifiée (ὕλη πως ἔχουσα) : tels sont les éléments (στοιχεῖα). Les partisans de cette doctrine n’hésitent pas à introduire cette matière dans l’essence des dieux mêmes, en sorte que leur Dieu

  1. Pour les Remarques générales, Voy. la Note sur ce livre à la fin du volume.
  2. « Le sujet, c’est ce dont tout le reste est attribut, ce qui n’est attribut de rien. » (Aristote, Métaphysique, VII, 3.)
  3. « Le mot substance désigne le dernier sujet, celui qui n’est plus l’attribut d’aucun autre. » (Aristote, Métaphysique, V, 8.)
  4. Ce sont les Stoïciens : ils ramenaient à quatre les catégories d’Aristote, la substance, τὸ ὑποκειμένον, la qualité, τὸ ποιόν, le mode, τὸ πῶς ἔχον, la relation, τὸ πρὸς τί πως ἔχον. Voy. Diogène Laërce, VII, 61 ; M. Ravaisson, Essai sur la Métaphysique d’Aristote, t. XI, p. 137-142.