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DEUXIÈME ENNÉADE.

avons dit plus haut que l’Âme gouverne l’univers par la Raison[1].

L’Âme universelle forme-t-elle tous les êtres successivement, d’abord l’homme, puis le cheval, puis un autre animal, enfin les bêtes sauvages[2] ? Commence-t-elle par produire la terre et le feu ; puis, voyant le concours de toutes ces choses qui se détruisent ou s’aident mutuellement, ne considère-t-elle que leur ensemble et leur connexion, sans s’occuper des accidents qui leur arrivent dans la suite ? Se borne-t-elle à reproduire les générations précédentes des animaux, et laisse-t-elle ceux-ci exposés aux passions qu’ils se causent les uns aux autres ?

Dirons-nous que l’Âme est la cause de ces passions parce qu’elle engendre les êtres qui les produisent[3] ?

La raison de chaque individu contient-elle ses actions et ses passions, de telle sorte que celles-ci ne soient ni accidentelles, ni fortuites, mais nécessaires[4] ?

Les raisons les produisent-elles ? ou bien les connaissent-elles sans les produire[5] ? ou plutôt l’âme, qui contient les raisons génératrices (γεννητικοὶ λόγοι), connaît-elle les effets de toutes ses œuvres en raisonnant d’après ce principe que le concours des mêmes circonstances doit évidemment amener les mêmes effets ? S’il en est ainsi, l’Âme, comprenant ou prévoyant les effets de ses œuvres, détermine et enchaîne par eux toutes les choses qui doivent arriver ; elle considère donc les antécédents et les conséquents, et, d’après ce qui précède, prévoit ce qui

  1. Voy. § 13, p. 182, 184.
  2. Plotin répond négativement à cette question dans l’Enn. II, liv. ix, § 12, et l’Enn. IV, liv. iii, § 9-10.
  3. Voy. page suivante.
  4. La réponse affirmative à cette question est développée dans l’Ennéade III, liv. iii, § 1-2. Sénèque, De Providentia, 5 : « Non, ut putamus, incidunt cuncta, sed veniunt. Olim constitutum est, quid gaudeas, quid ficas. »
  5. Voy. plus loin § 17 ; et Enn. III, liv. viii.