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LIVRE TROISIÈME.

à une lyre mal accordée et incapable de rendre des sons qui forment une parfaite harmonie[1].

XIV. Que dirons-nous de la pauvreté, des richesses, de la gloire, des commandements ? Si un homme tient ses richesses de ses parents, les astres ont seulement annoncé qu’il serait riche, comme ils se sont bornés à annoncer sa noblesse, s’il la devait à sa naissance. Si un homme a acquis des richesses par son mérite et que son corps y ait contribué, les causes qui ont donné à son corps de la vigueur ont pu concourir à sa fortune : ce sont, d’abord ses parents, ensuite sa patrie, si elle a un bon climat, enfin la fécondité du sol[2]. Si cet homme doit ses richesses à sa vertu, c’est à sa vertu seule qu’il faut les attribuer, ainsi que les avantages périssables qu’il peut posséder par une faveur divine. S’il a reçu ses richesses de personnes vertueuses, sa fortune a encore pour cause la vertu. S’il a reçu ses richesses d’hommes pervers, mais pour un motif juste, elles proviennent d’un bon principe qui a agi en eux. Enfin, si un homme qui a amassé des richesses est pervers, la cause de sa fortune est cette perversité même et le principe dont elle provient ; il faut encore comprendre dans l’ordre des causes ceux qui ont pu lui donner de l’argent. Un homme doit-il ses richesses à des travaux, par exemple, à des travaux d’agriculture, elles ont pour causes les soins du laboureur et le concours des circonstances extérieures. A-t-il trouvé un trésor, quelque chose de l’univers a dû y contribuer. Cette

  1. Les § 13 et 14 sont le développement de cette pensée : « Tout est annoncé et produit par des causes ; or il y en a deux espèces, l’âme humaine et les circonstances extérieures. Quand l’âme agit conformément à la droite raison, elle agit librement. Hors de là elle est entravée dans ses actes, elle est plutôt passive qu’active. Donc, quand elle manque de prudence, les circonstances extérieures sont cause de ses actes : on a raison de dire qu’elle obéit alors au Destin, surtout si l’on regarde le Destin comme une cause extérieure. » (Enn. III, liv. i, § 10.)
  2. Voy. Enn. III, liv. i, § 10.