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LIVRE TROISIÈME.

qui façonne ses organes et les met en harmonie avec le tout dont ils sont des parties[1] ; or le tout contient toutes choses, et les parties ne renferment que ce qui leur est particulier. Quant aux influences extérieures, les unes secondent, les autres contrarient la tendance de la nature. Toutes choses sont subordonnées au Tout parce qu’elles en sont des parties : prises chacune avec leur nature propre et avec leurs tendances particulières, elles forment par leur concours la vie totale de l’univers[2]. Les êtres inanimés servent d’instruments aux autres qui les mettent en mouvement par une impulsion mécanique. Les êtres animés, mais privés de raison, ont un mouvement indéterminé : tels sont les chevaux attachés à un char avant que le conducteur leur indique la marche qu’ils doivent suivre : car ils ont besoin du fouet pour être dirigés. La nature de l’animal raisonnable a en elle-même le conducteur qui la dirige[3] ; si celui-ci est habile, elle suit la droite voie[4] au lieu d’aller au hasard, comme cela arrive souvent. Les êtres doués de raison et ceux qui en sont privés se trouvent contenus les uns et les autres dans l’univers, et contribuent à en former l’ensemble. Ceux qui sont plus puissants et qui occupent un rang plus élevé font beaucoup de choses importantes, et concourent à la vie de l’univers où ils ont un rôle plutôt actif que passif. Ceux qui sont passifs agissent peu. Ceux qui occupent un rang intermédiaire sont passifs à l’égard des uns, souvent actifs à l’égard des autres, parce qu’ils ont par eux-mêmes la puissance d’agir et de produire[5].

  1. Voy. Cicéron, De natura Deorum, II, 34 : « Omnium rerum, quæ natura administrantur, seminator et altor et parens, ut ita dicam, atque educator et altor est mundus ; omniaque, sicut membra et partes suas, nutricatur et continet. »
  2. Voy. Enn. IV, liv. iv, § 39, 40.
  3. C’est une allusion au conducteur de char et aux deux coursiers dont Platon parle dans le Phèdre, p. 248.
  4. Sur cette expression, Voy. plus haut, § 8.
  5. Les premiers êtres sont les astres ; les seconds, les brutes ; ceux qui occupent un