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LIVRE TROISIÈME.

nature animale ou âme végétative] de laquelle dérivent ces passions[1]. Par ces paroles, Platon semble dire que nous sommes asservis aux astres, que nous en recevons nos âmes[2], qu’ils nous soumettent à l’empire de la Nécessité quand nous venons ici-bas, que c’est d’eux que nous tenons nos mœurs, et, par nos mœurs, les actions et les passions qui dérivent de l’habitude passive (ἕξις παθητιϰὴ) de l’âme[3].

Que sommes-nous donc nous-mêmes ? Nous sommes ce qui est essentiellement nous, nous sommes le principe auquel la nature a donné le pouvoir de triompher des passions[4]. Car si, à cause du corps, nous sommes entourés de maux, Dieu nous a cependant donné la vertu qui n’a pas de maître[5]. En effet, ce n’est pas quand nous sommes dans un état calme que nous avons besoin de la vertu, c’est quand l’absence de la vertu nous expose à des maux. Il faut donc que nous fuyions d’ici-bas[6], que nous nous séparions du corps qui nous a été ajouté dans la génération, que nous nous appliquions à n’être pas cet animal, ce composé dans lequel prédomine la nature du corps, nature qui n’est qu’un vestige de l’âme, d’où résulte que la vie animale[7] appartient principalement au corps. En effet, tout ce qui se rapporte à cette vie est corporel. L’autre âme [l’âme raisonnable, supérieure à l’âme végétative] n’est pas dans le corps : elle s’élève aux choses intelligibles, au beau, au divin, qui ne dépendent de rien ; bien plus, elle tâche de leur devenir identique, et elle vit d’une manière conforme à la divinité quand elle s’est retirée en elle-même [pour se livrer à la contemplation]. Quiconque est privé de cette âme [quiconque n’exerce pas les facultés de l’âme

  1. Voy. ibidem.
  2. Voy. Enn. II, liv. i, § 5.
  3. L’habitude passive de l’âme est la nature animale. Voy. Enn. III, liv. i, § 8-10.
  4. Voy. Timée, p. 42.
  5. Expression de Platon, République, X, p. 617.
  6. Voy. Enn. I, liv. ii, § 1. et liv. vi, § 8.
  7. Voy. Enn. I. liv. i, § 7-12 ; Enn. IV, liv. iii, § 19-23.