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DEUXIÈME ENNÉADE.

C’est en vertu de cette coordination que les oiseaux fournissent des auspices, que les autres animaux nous donnent des présages. Toutes choses dépendent mutuellement l’une de l’autre. Tout conspire à un but unique (σύμπνοια μία[1]) non seulement dans chaque individu, dont les parties sont parfaitement liées ensemble, mais, antérieurement et à un plus haut degré, dans l’univers. Il y faut un principe unique pour rendre un cet être multiple, pour en faire l’animal un et universel. De même que, dans le corps humain, chaque organe a sa fonction propre, de même dans l’univers les êtres ont chacun leur rôle particulier ; d’autant plus qu’ils ne sont pas seulement des parties de l’univers, mais qu’ils forment encore eux-mêmes des univers qui ont aussi leur importance[2]. Toutes choses procèdent donc d’un principe unique, remplissent chacune leur rôle particulier et se prêtent un mutuel concours. En effet, elles ne sont pas séparées de l’univers, elles agissent et subissent l’action les unes des autres[3]. Chacune d’elles est secondée ou contrariée par une autre. Mais leur marche n’est pas fortuite,

    qu’elle est par conséquent un miroir vivant perpétuel de l’univers. » (Monadologie, § 56).

  1. Voy. Enn. IV, liv. iv, § 35. Diogène Laërce (VII, 140) attribue cette idée aux Stoïciens : ἡνῶσθαι αὐτὸν (τὸν ϰόσμον) · τοῦτο γὰρ ἀναγάζεσθαι τὴν τῶν οὺρανίων πρὸς τὰ ἐπίγεια σύμπνοιαν ϰαὶ συντονίαν.
  2. Voy. Enn. IV, liv. iv, § 32.
  3. Leibnitz développe des idées analogues dans sa Monadologie (§ 61) : « Comme chaque corps est affecté non-seulement par ceux qui le touchent, et se ressent en quelque façon de tout ce qui leur arrive, mais aussi, par leur moyen, se ressent de ceux qui touchent les premiers dont il est touché immédiatement ; il s’en suit que cette communication va à quelque distance que ce soit. Et par conséquent tout corps se ressent de tout ce qui se fait dans l’univers, tellement que celui qui voit tout pourrait lire dans chacun ce qui se fait partout, et même ce qui s’est fait ou se fera, en remarquant dans le présent ce qui est éloigné tant selon les temps que selon les lieux : σύμπνοια πάντα, disait Hippocrate. »