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DEUXIÈME ENNÉADE.

Comment croire qu’elles n’ont pas une nature déterminée ? Puisqu’il y a une foule innombrable d’êtres qui naissent et existent en tout temps, si les planètes s’occupaient de chacun d’eux, leur donnaient de la gloire, des richesses, les rendaient pauvres ou incontinents, leur faisaient accomplir tous leurs actes, quelle vie mèneraient-elles ? Comment pourraient-elles exécuter tant de choses ? Il n’est pas plus raisonnable d’avancer qu’elles attendent pour agir les ascensions des signes (ἀναφοραί), ni de dire qu’autant un signe parcourt de degrés à son lever, autant son ascension comprend d’années[1] ; que les planètes calculent en quelque sorte sur leurs doigts l’époque à laquelle elles doivent faire chaque chose, sans qu’il leur soit permis de la faire auparavant. Enfin, c’est un tort également de ne pas rapporter à un principe unique le gouvernement de l’univers, d’attribuer tout aux astres, comme s’il n’y avait pas un chef unique dont l’univers dépend et qui distribue à chaque être un rôle et des fonctions conformes à sa nature. Le méconnaître, c’est détruire l’ordre dont on fait partie, c’est ignorer la nature du monde, qui suppose une cause première, un principe dont l’action pénètre tout[2].

VII. En effet, si les astres indiquent les événements futurs, comme le font beaucoup d’autres choses, quelle est la cause de ces événements mêmes ? Comment est maintenu l’ordre sans lequel les faits ne sauraient être indiqués ? Il faut donc admettre que les astres ressemblent à des lettres qui seraient tracées à chaque instant dans le

  1. « Dicunt planetam in certo signi termino positum nonnulla promittere, quæ non ante præstet quam signum idem in natali revolutione nobis rursum ascenderit ; et quot ab initio gradibus nobis ascenderat, annis totidem in natali revolutione ascendere rursus. » (Ficin.)
  2. L’Âme universelle coordonne tout, mais elle ne fait pas tout, parce que l’âme humaine est aussi une cause première. Plotin n’admet pas le fatalisme des Stoïciens. Voy. Enn. III, liv. i, § 4, 7-10.