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LIVRE TROISIÈME.

cessaire qu’elle excitât le courage, qu’elle ne laissât pas léser le corps entier ni la partie où elle est placée. Il fallait qu’il en fût de même dans l’univers : [qu’il y eût quelque chose d’analogue à la bile][1] que quelque chose de doux le tempérât, que certaines parties jouassent le rôle d’yeux, et que toutes choses eussent de la sympathie les unes pour les autres par leur vie irrationnelle (συμπαθῆ πάντα τῷ ἀλόγῳ αὐτῶν.)[2]. C’est ainsi que l’univers est un et qu’il y règne une harmonie unique (τὸ πᾶν ἓν ϰαὶ μία ἁρμονία)[3]. Comment ne pas admettre qu’en vertu des lois de l’analogie, toutes ces choses peuvent être des signes ?

VI. N’est-il pas déraisonnable d’admettre que Mars ou Vénus, dans une certaine position, produisent les adultères ? C’est leur attribuer l’incontinence qu’on voit chez les hommes et la même ardeur à satisfaire d’indignes passions. Comment croire que l’aspect des planètes est favorable quand elles se regardent d’une certaine manière ?

  1. Voici comment Ficin commente cette phrase : « Sicut in animali singula membra, quamvis qualitate diversa, et invicem et toti conducant ad bonum : sic in cœlo Sol quasi cordis obtinet locum, Mars vero fellis, Jupiter jecoris, Venus et Luna membrorum genitalium, Mercurius linguæ vultusque, Saturnus capitis atque splenis et stomachi ; stellæ fixæ vicem referunt oculorum. »
  2. Voy. Enn. IV, liv. iv, § 32.
  3. Dans ce passage, ainsi que dans plusieurs paragraphes qui suivent, Plotin s’inspire des idées des Stoïciens. Dans leur système, le monde est un être un, organisé et vivant, comme l’est un animal. Rien ne peut arriver à une de ses parties dont les autres parties ne se ressentent plus ou moins, et le monde forme ainsi un tout sympathique à lui-même : « ἡνῶσθαι μὲν ὑποτίθεται τὴν συμπάσαν οὐσίαν, πνεύματός τινος διὰ πάσης αὐτῆς διήοντος, ὑφ’οὖ συνάγεταί τε ϰαὶ συμμένει ϰαὶ συμπαθές ἐστιν αὐτῷ. » (Alexandre d’Aphrodisie, De Mixtione, p. 141). Cicéron (De natura Deorum, II, 32) fait dire au Stoïcien Balbus : « Nos quum dicimus natura constare administrarique mundum, non ita dicimus, ut glebam, aut fragmentum lapidis, aut aliquid ejusmodi, nulla cohærendi natura ; sed ut arborem, ut animal, in quibus nulla temeritas, sed ordo apparet, et artis quædam similitudo. »