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LIVRE TROISIÈME.

et qu’elles produisent des effets différents selon qu’elles sont dans telle ou telle partie du ciel, qu’elles ont une action différente selon qu’elles se lèvent, qu’elles sont sur un point ou qu’elles déclinent[1]. Comment croire que telle planète éprouve tour à tour de la joie quand elle est sur un point, de la tristesse ou de la langueur quand elle décline, de la colère quand une autre se lève, puis de la bienveillance quand celle-ci décline ? Un astre peut-il être meilleur quand il décline ? Chaque astre est sur un point pour les uns, décline pour les autres, et vice versa[2] ; cependant il ne saurait éprouver à la fois de la joie et de la tristesse, de la colère et de la bienveillance. Prétendre qu’un astre éprouve de la joie à son lever, un autre à son déclin, c’est avancer une assertion absurde : il en résulterait que les astres éprouveraient à la fois de la joie et de la tristesse. Pourquoi d’ailleurs leur tristesse nous nuirait-elle ? Nous ne devons pas admettre qu’ils puissent être tantôt joyeux, tantôt tristes : ils restent toujours tranquilles, contents des biens dont ils jouissent et des choses qu’ils contemplent. Chacun d’eux vit pour lui-même, trouve son bien dans son acte (ἐνεργείᾳ) sans se mettre en relation avec nous. N’ayant pas de commerce avec nous, les astres ne nous font sentir leur action que par accident, sans que ce soit leur but principal, ou plutôt ils n’ont aucune relation avec nous : ils nous annoncent l’avenir par accident

  1. Ficin, dans son Commentaire sur le § 3, donne l’explication suivante : « Angularem (ἐπϰεντρον) planetam dicunt quando ad quinque vel saltem ad tres utrinque signi gradus tenet angulum (ϰέντρον). Mox vero quum inde progreditur, cadere ab angulo (ἀποϰλίνεεν) dicunt. » Voy. plus haut, p. 166, note 1.
  2. Cicéron (De Divinatione, II, 44) fait la même objection aux astrologues : « Quum illi orbes, qui a Græcis ὁρίζοντες nominantur, varietatem maximam habeant, aliique in aliis locis sint, necesse est, ortus occasusque siderum non fleri eodem tempore apud omnes. Quod si eorum vi cœlum modo hoc, modo illo modo temperatur, qui potest eadem vis esse nascentium, quum cœli tanta sit dissimilitudo ? »