Page:Plotin - Ennéades, t. I.djvu/303

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
162
DEUXIÈME ENNÉADE.

il en résulte encore que le ciel a un mouvement circulaire.

Il ne faut pas d’ailleurs, quand on parle de l’Âme, entendre le terme de milieu dans le même sens que quand on parle du corps. Pour l’Âme, le milieu, c’est le foyer [l’Intelligence] d’où émane une seconde vie [qui est l’Âme] ; pour le corps, c’est un lieu [le centre du monde]. Il faut donc donner ici au terme de milieu une signification qui puisse par analogie convenir également à l’Âme et au corps, puisqu’à l’un et à l’autre il faut un milieu. Mais, à proprement parler, il n’y a de milieu que pour un corps sphérique, et l’analogie consiste en ce que ce dernier opère comme l’Âme un retour sur lui-même. S’il en est ainsi, l’Âme se meut autour de Dieu, l’embrasse, s’y attache de toutes ses forces : car toutes choses dépendent de ce principe ; mais comme elle ne peut s’y unir, elle se meut autour de lui[1].

Pourquoi toutes les âmes ne font-elles pas la même chose que l’Âme universelle ? Chacune d’elles le fait, mais seulement dans l’endroit où elle se trouve. Pourquoi nos corps ne se meuvent-ils pas circulairement comme le ciel ? C’est qu’ils renferment un élément auquel le mouvement rectiligne est naturel, qu’ils se portent vers d’autres objets, qu’enfin l’élément sphérique[2] qui se trouve en nous ne peut plus se mouvoir circulairement avec facilité parce qu’il est

  1. Dans l’Ennéade IV (liv. iv, § 16), Plotin éclaircit la même idée par une comparaison : « On peut se représenter le Bien comme un centre, l’Intelligence comme un cercle immobile, l’Âme comme un cercle mobile, mu par le désir. En effet, l’Intelligence possède et embrasse le Bien immédiatement ; l’Âme aspire à ce qui est placé au-dessus de l’Intelligence [au Bien] ; la sphère de l’univers, possédant l’Âme qui aspire ainsi [au Bien], se meut en obéissant à son aspiration naturelle ; or, son aspiration naturelle est d’aspirer, comme le peut un corps, au principe hors duquel elle est, c’est-à-dire de s’étendre autour de lui, de tourner, par conséquent, de se mouvoir circulairement. »
  2. Plotin fait allusion au pneuma dont Platon parle dans le Timée, p. 79.