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DEUXIÈME ENNÉADE.

ce qu’il atteigne la place qui lui est assignée par l’ordre universel. Conformément à cet ordre, il est permanent dans sa nature et il se meut vers la place qui lui est assignée. Pourquoi donc le feu n’y demeure-t-il pas en repos une fois qu’il y est arrivé ? C’est que sa nature est de se mouvoir toujours s’il allait en ligne droite, il se dissiperait ; il doit donc avoir un mouvement circulaire. N’est-ce pas là une disposition providentielle ? oui, sans doute. Le feu a été placé en lui-même[1] par la Providence, en sorte que, dès qu’il se trouve au ciel, il doit de lui-même s’y mouvoir circulairement.

On peut dire encore que, si le feu tend à se mouvoir en ligne droite, il doit, puisqu’il n’a pas de lieu hors du monde où il puisse aller, opérer un retour sur lui-même dans le seul lieu où cela lui est possible [dans le ciel]. En effet, au delà du feu céleste, il n’y a plus de lieu ; il est lui-même le dernier lieu de l’univers ; il se meut donc circulairement dans le lieu qu’il a ; il est à lui-même son propre lieu, mais ce n’est pas pour rester immobile, c’est pour se mouvoir. Dans un cercle, le centre est naturellement immobile si la circonférence l’est aussi, elle ne sera plus qu’un centre immense. Il vaut donc mieux que le feu tourne autour du centre dans ce corps vivant et naturellement organisé. De cette manière, le feu tendra vers le centre, non en s’y arrêtant (car il perdrait sa forme circulaire), mais en se mouvant autour de lui ; c’est ainsi seulement qu’il pourra satisfaire le penchant qui l’entraîne [vers l’Âme universelle]. Si cette puissance fait tourner le corps de l’univers, elle ne le traîne pas comme un fardeau, elle ne lui donne pas une impulsion contraire à la nature. Qu’est-ce en effet que la nature sinon l’ordre établi par l’Âme universelle ? En outre, comme l’âme est tout entière

  1. Le feu, d’après Plotin, a été placé en lui-même parce qu’il constitue le ciel qui est son lieu.