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LIVRE DEUXIÈME.

c’est-à-dire, la faire rester immobile au lieu de lui imprimer sans cesse un mouvement circulaire. Peut-être sera-t-elle elle-même immobile, ou, si elle a quelque mouvement, ce ne sera pas du moins un mouvement local.

Comment l’Âme peut-elle imprimer au ciel un mouvement local en ayant elle-même un autre mode de mouvement ? Peut-être le mouvement circulaire paraitra-t-il n’être pas par lui-même un mouvement local. S’il n’est mouvement local que par accident, qu’est-il donc par lui-même ? C’est le retour sur soi-même, le mouvement de la conscience, de la réflexion, de la vie ; il ne transporte rien hors du monde, il ne change rien de lieu, enfin il embrasse tout. En effet, la puissance qui gouverne l’animal universel[1] embrasse tout, ramène tout à l’unité. Or si elle restait immobile, elle n’embrasserait pas tout sous le rapport vital ou sous le rapport local ; elle ne conserverait pas la vie aux parties intérieures du corps qu’elle possède, parce que la vie du corps implique mouvement. Si c’est un mouvement local, l’Âme aura un mouvement local tel qu’il lui est possible d’en avoir un. Elle se mouvra non-seulement comme Âme, mais encore comme corps animé, comme animal : son mouvement participera à la fois du mouvement propre à l’Âme et du mouvement propre au corps. Le mouvement propre au corps, c’est de se transporter en ligne droite ; le mouvement propre à l’Âme, c’est de contenir (ϰατέχειν) ; de ces deux mouvements, il en résulte un troisième, le mouvement circulaire où il y a tout à la fois translation et permanence. Si l’on avance que le mouvement circulaire est un mouvement corporel, comment admettre cette assertion quand on voit que tout corps, même le feu, se meut en ligne droite ? On peut répondre que le feu ne se meut en ligne droite que jusqu’à

  1. Animal universel est l’équivalent de monde. Voy. p. 143 de ce volume, note 1.