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LIVRE PREMIER.

qu’il y ait du feu dans la terre ; il suffit de la lumière [pour la rendre visible] : la neige et beaucoup d’autres substances très froides sont brillantes sans feu, à moins qu’on ne dise que le feu s’en est approché et les a colorées avant de s’en éloigner.

Examinons les autres éléments. L’eau ne saurait-elle exister sans participer de la terre ? Pour l’air, comment prétendre qu’il participe de la terre, étant aussi pénétrable qu’il l’est ? Quant au feu, il est douteux qu’il doive contenir de la terre, parce qu’il paraît n’être point continu et ne point posséder par lui-même les trois dimensions ; la solidité se trouve en lui, il est vrai : c’est qu’elle y consiste, non dans les trois dimensions, mais dans une espèce de résistance (elle ne s’y trouvera donc pas en tant que c’est une nature corporelle)[1]. La dureté ne convient qu’à la terre : en effet, l’or à l’état liquide est dense[2], non parce qu’il est terre, mais parce qu’il possède de la densité et qu’il est solidifié. Pourquoi donc le feu pris en lui-même ne saurait-il subsister par la puissance de l’Âme qui le soutient par sa présence ? Les corps des démons sont de feu[3].

Rejetterons-nous cette proposition que l’animal universel est composé des éléments universels ? On peut accorder que les animaux terrestres sont composés de cette manière ; mais faire entrer l’élément terrestre dans la composition du ciel, ce serait admettre une chose contraire à la nature et à l’ordre qu’elle a établi . On ne saurait prouver que les astres entraînent dans leur mouvement si rapide des corps terrestres[4]. En outre, la présence de la terre serait

  1. Voy. Platon, Timée, p. 56.
  2. Voy. ibid., p. 59 : « De tous les corps que nous avons appelés eaux fusibles, celui qui se forme des parties les plus petites et qui a le plus de densité, c’est l’or. »
  3. Dans l’Épinomis (p. 984), il est dit que les démons ont un corps aérien. Cette opinion a été suivie par la plupart des philosophes néo-platoniciens. Voy. Porphyre, De l’Abstinence des viandes, II, § 37-42.
  4. C’était l’opinion d’Épicure.