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LIVRE PREMIER.

animaux][1], mais de notre bien-être [qui consiste dans la vie intellectuelle]. Elle vient se joindre au corps quand il est déjà formé [par l’âme végétative], et elle ne contribue à notre être que pour une part, en nous donnant la raison [en faisant de nous des êtres raisonnables, des hommes].

VI. Il nous reste à considérer si le ciel est uniquement composé de feu, si le feu laisse écouler quelque chose de sa substance, et a par conséquent besoin d’aliments. Platon, dans le Timée[2], compose d’abord de terre et de feu le corps de l’univers de feu pour qu’il soit visible, de terre pour qu’il soit tangible. Il semble en résulter que les astres ne sont pas composés de feu dans leur totalité, mais seulement dans leur plus grande partie, puisqu’ils paraissent posséder un élément tangible. Cette opinion est admissible parce que Platon l’appuie de motifs raisonnables. À consulter les sens, soit celui de la vue, soit celui du tact, le ciel semble composé de feu pour la plus grande partie ou même pour la totalité. Mais si nous interrogeons la raison, le ciel nous paraîtra contenir aussi de la terre, parce que sans terre il ne saurait être tangible[3]. A-t-il besoin de contenir aussi de l’eau et de l’air ? Non : d’abord, il serait absurde que l’eau pût subsister dans un si grand feu ; ensuite l’air ne saurait s’y trouver sans être aussitôt changé en feu. Mais si deux solides qui dans une proportion jouent le rôle d’extrêmes ne peuvent être unis sans deux moyens[4], on demandera s’il en est ainsi dans les choses naturelles : car on peut mêler de la terre et de l’eau sans aucun intermédiaire. Nous répondrons à cette objection que la

  1. Voy. ibidem.
  2. Timée, p. 31. « Or tout ce qui est né est nécessairement corporel, visible et tangible. D’ailleurs, en l’absence du feu, il ne saurait jamais y avoir rien de visible, ni rien de tangible sans quelque chose de solide, et il n’y a rien de solide sans terre. C’est donc de feu et de terre que Dieu, commençant à construire le corps de l’univers, dut le former. »
  3. Voy. Timée, p. 56.
  4. Voy. ibid., p. 31.