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LIVRE PREMIER.

pourrait-elle donc laisser tomber dans le néant quelqu’une des choses qui ont été une fois placées en elle ? Ne pas admettre que l’Âme universelle, qui émane de Dieu, a plus de force que toute espèce de lien, c’est le propre d’un homme auquel est inconnue la cause qui contient l’univers. Il est absurde de croire qu’après l’avoir contenu pendant un certain temps, elle ne puisse pas le faire toujours, comme si c’était par violence qu’elle l’eût fait jusqu’ici, comme s’il y avait un autre plan conforme à la nature que l’existence et l’admirable disposition des êtres qui sont dans la nature même de l’univers ; comme s’il y avait enfin une force capable de détruire l’organisation de l’univers et d’ébranler l’empire de l’Âme qui le gouverne.

Si le monde n’a pas commencé d’être (et nous démontrons ailleurs qu’il serait absurde de le supposer)[1], on doit croire que jamais il ne cessera non plus d’exister. Pourquoi en effet ne continuerait-il pas d’exister ? Les éléments qui le composent ne s’usent pas comme le bois et les autres choses de ce genre. Or, s’ils subsistent toujours, l’univers qu’ils forment doit aussi subsister toujours ; s’ils sont au contraire soumis à un changement perpétuel, l’univers doit encore subsister, parce que le principe de ce changement subsiste toujours. Nous avons montré ailleurs qu’on ne saurait admettre que l’Âme universelle soit sujette à se repentir[2], parce qu’elle gouverne l’univers sans peine et sans fatigue, et que dans le cas même ou, ce qui est impossible, le corps de l’univers viendrait à périr, elle n’en serait pas altérée.

V. Mais pourquoi les choses célestes ont-elles une durée qui n’a été accordée ni aux éléments ni aux animaux d’ici-bas ? Platon nous en donne la raison : « Les animaux di-


    ϰειμένην, et nous lisons : τὴν ψυχὴν ἐφεξῆς τοῖς ἀρίστοις ϰειμένην δυνάμει θαυμαστῇ ϰινουμένην.

  1. Voy. Enn. II, liv. ix, § 3 ; Enn. III, liv. ii, § 1 ; Enn. IV, liv. iii, § 9.
  2. Voy. Enn. II, liv. ix, § 6.