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DEUXIÈME ENNÉADE.

tant pas capables de conserver par elles-mêmes leur organisation, doivent, pour subsister, emprunter des parties aux autres objets ; il n’en est pas de même du feu du ciel : ne perdant rien, il n’a pas besoin d’aliments. S’il laissait quelque chose s’écouler de lui-même, il faudrait dire que, quand un feu s’éteint dans le ciel, un autre doit s’y allumer. S’il entrait dans le feu quelque chose d’étranger qui pût découler du ciel, il faudrait que cela même fût remplacé par autre chose. Mais, s’il en était ainsi, l’animal universel ne resterait plus identique.

IV. Maintenant, examinons en elle-même, indépendamment des besoins de la recherche actuelle, la question de savoir si quelque chose s’écoule du ciel, en sorte qu’il ait besoin d’aliments, si l’on peut parler ainsi ; ou si toutes les choses qui s’y trouvent, une fois établies, y subsistent naturellement sans laisser rien écouler de leur substance. Dans ce second cas, n’y a-t-il dans le ciel que du feu, ou bien le feu y joue-t-il le principal rôle, et en même temps élève-t-il et fait-il monter avec lui vers les régions supérieures les autres éléments en les dominant ? Si l’on ajoute la plus puissante des causes, l’âme, qui est unie à ces éléments si purs, si excellents (de même que dans les autres animaux, l’âme choisit pour demeure les meilleures parties du corps), on donnera une solide raison de l’immortalité du ciel. Aristote dit bien [en parlant du feu terrestre] que la flamme bouillonne et que le feu dévore tout avec une insatiable avidité[1] ; mais le feu céleste est calme, immobile, en harmonie avec la nature des astres.

Il y a encore une raison plus importante de l’immortalité du, ciel : c’est que l’Âme universelle vient immédiatement après les principes les plus parfaits [le Bien et l’Intelligence], qu’elle se meut avec une admirable puissance[2]. Comment

  1. Météorologie, I, 4. Dans ce passage, Plotin semble faire également allusion au Timée, p. 58.
  2. On voit par les Mss. que ce passage est altéré. Nous transposons avec Creuzer ϰενουμένην et