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LIVRE PREMIER.

conserve constamment, de toute éternité, la même figure, la même masse ; de même, l’air ne diminue jamais, non plus que l’eau. Ce qui change en eux n’altère en rien l’animal universel. Pour ce qui nous concerne, malgré le changement perpétuel des parties qui nous composent, et quoique ces parties sortent même de notre corps, chacun de nous subsiste encore longtemps ; à plus forte raison, la nature du corps du monde, duquel rien ne sort, doit-elle être assez en harmonie avec la nature de l’Âme universelle pour former avec elle un animal qui reste toujours le même et qui subsiste toujours.

Si en effet nous considérons le feu [qui est l’élément principal du ciel], nous voyons qu’il est vif, rapide, qu’il ne peut rester dans les régions inférieures, pas plus que la terre ne peut se tenir dans les régions supérieures. Lorsqu’il se trouve transporté dans ces régions, où il doit rester, il ne faut pas croire que, bien qu’établi dans le lieu qui lui est propre, il ne cherche pas encore, comme les autres corps, à s’étendre en tous sens[1]. Mais il ne peut ni monter, puisqu’il n’y a pas de lieu plus élevé que celui qu’il occupe, ni descendre, puisque sa nature s’y oppose ; la seule chose qui lui reste donc, c’est de se laisser conduire, de se laisser entraîner naturellement par l’Âme Universelle qui lui donne la vie, c’est-à-dire de se mouvoir dans le lieu le plus beau, dans l’Âme universelle. Si l’on craignait de l’en voir tomber, qu’on se rassure en considérant que, par son mouvement circulaire, l’Âme universelle prévient sa chute, parce qu’elle le domine et le soutient. Comme d’ailleurs le feu n’est pas de lui-même porté à descendre, rien ne s’oppose à ce qu’il reste dans les régions supérieures. Les parties qui constituent notre corps et qui reçoivent la forme qui lui est propre, n’é-

  1. Le grec porte στάσιν ἐπ’ ἄμφω ζητεῖν. Nous suivons Ficin qui traduit amplificationem suam undique quœrat, comme s’il avait lu ἔϰτασιν, extension, au lieu de στάσιν.