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DEUXIÈME ENNÉADE.

que le ciel, bien plus, que ses parties, le soleil et les astres, ne périssent pas, quoiqu’on regarde le corps du ciel comme étant composé des mêmes éléments que les animaux terrestres ?

Comme tout animal est composé d’une âme et d’un corps, il faut que le ciel doive la permanence de son individualité soit à la nature de son âme, soit à celle de son corps, soit à celle de tous les deux. Si l’on pense qu’il est incorruptible par la nature de son corps, l’âme ne sera plus nécessaire en lui que pour former un être animé [en s’unissant au corps du monde]. Si l’on suppose au contraire que le corps, corruptible de sa nature, ne doit qu’à l’âme son incorruptibilité, il est nécessaire, dans cette hypothèse, de faire voir que l’état du corps ne se trouve pas naturellement contraire à cette constitution et à cette permanence (car, dans les objets constitués par la nature, il ne saurait y avoir un défaut d’harmonie), mais qu’au contraire la matière doit ici contribuer par ses dispositions à l’accomplissement de la volonté divine.

III. Mais comment la matière, comment le corps du monde peut-il concourir à l’immortalité du monde, puisque ce corps est lui-même dans un écoulement perpétuel ? C’est, pourrions-nous dire, parce que cet écoulement ne se fait pas hors du monde. L’écoulement ayant lieu dans le sein même du monde et sans que rien sorte de lui, le corps reste toujours le même ; il ne saurait donc augmenter ni diminuer[1], ni par conséquent vieillir. Voyez la terre : elle


    définit dans les termes suivants la quinte-essence d’Aristote : « Elementum non unum ex quatuor quæ nota sunt cunctis, sed longe aliud, numero quintum, ordine primum, genere divinum et inviolabile. » Le passage de Plotin est cité par Simplicius dans son Commentaire du traité Du Ciel, p. 3, 5, 26.

  1. Macrobe, dans son Commentaire sur le Songe de Scipion, a cité, en le traduisant presque littéralement, ce passage de Plotin. Voy. ce morceau dans la Note sur ce livre, à la fin du volume.