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LIVRE PREMIER.

moins d’ambiguïté ; nous ferons même disparaître toute espèce de doute si nous démontrons que la puissance divine est capable de contenir l’univers de cette manière. Si au contraire nous avançons qu’il y a dans le monde quelque chose qui soit perpétuel par son individualité, nous aurons à démontrer que la volonté divine peut produire un tel effet. Mais il restera encore à répondre à cette question : pourquoi certaines choses sont-elles toujours identiques [par leur forme et leur individualité], tandis que les autres ne sont identiques que par leur forme ? Comment se fait-il que les parties du ciel seules soient toujours les mêmes [par leur individualité] ? Car il semble que toutes les autres choses devraient rester également identiques [sous le rapport de l’individualité].

II. Si nous admettons l’opinion que le ciel et les astres sont perpétuels dans leur individualité, tandis que les choses sublunaires ne sont perpétuelles que dans leur forme, nous aurons à démontrer qu’un être corporel peut conserver son individualité aussi bien que sa forme, quoique « les corps soient dans un écoulement continuel. » Car telle est la nature que les philosophes physiciens[1] et Platon lui-même attribuent non-seulement aux corps sublunaires, mais encore aux corps célestes. « Comment, dit Platon, des objets corporels et visibles pourraient-ils subsister toujours immuables et identiques à eux-mêmes[2] ? » Platon admet donc ici l’opinion d’Héraclite que « le soleil même est dans un état perpétuel de devenir (γίγνεσθαι)[3]. » Au contraire, dans le système d’Aristote, l’immutabilité des astres s’explique facilement si l’on admet son hypothèse d’un cinquième élément [d’une quinte-essence[4]]. Mais, si on la rejette, comment démontrera-t-on

  1. Héraclite.
  2. Voy. Platon, Cratyle, p. 402.
  3. Voy. République, VI, p. 498.
  4. Voy. M. Ravaisson, Essai sur la Métaphysique d’Aristote, t. II, p. 150. Apulée (Du Monde, p. 708)