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PREMIÈRE ENNÉADE.

qu’elle y reste, on dit qu’elle est descendue aux enfers et qu’elle y sommeille[1].

XIV. On dira peut-être que la méchanceté est la faiblesse de l’âme. Car l’âme mauvaise est impressionnable, mobile, facile à entraîner au mal, portée à écouter ses passions, également prompte à se mettre en colère et à se réconcilier ; elle cède inconsidérément à de vaines idées ; semblable aux ouvrages les plus faibles de l’art et de la nature, qui sont facilement détruits par les vents et par les tourbillons. — Il serait bon de demander à celui qui fait cette objection en quoi consiste la faiblesse de l’âme, et d’où elle vient : car la faiblesse n’est pas dans l’âme ce qu’elle est dans le corps. Mais, de même que dans le corps la faiblesse consiste à ne pouvoir remplir une fonction, à être trop impressionnable, le même défaut dans l’âme s’appelle aussi faiblesse, par analogie, à moins que la matière ne soit également la cause de l’une et l’autre faiblesse. Mais il faut par le secours de la raison aller plus loin, et chercher quelle est la cause du défaut de l’âme qu’on nomme faiblesse.

Dans l’âme, la faiblesse ne provient pas d’un excès de densité ou de raréfaction, de maigreur ou d’embonpoint, ni de quelque maladie telle que la fièvre. Elle doit se rencontrer ou dans les âmes qui sont entièrement séparées de la matière, ou dans celles qui s’y trouvent unies, ou dans les unes et les autres à la fois. Or, comme elle ne se rencontre pas dans les âmes qui sont séparées de la matière (car toutes sont pures, ailées[2], comme on le dit, parfaites, et remplissent leurs fonctions sans obstacle), il reste que cette faiblesse se trouve dans les âmes qui sont tombées, qui ne sont ni pures ni purifiées. Pour elles, la faiblesse consiste, non dans la privation de quelque chose, mais dans la présence d’une chose étrangère, comme pour le corps la fai-

  1. Voy. Platon, République, liv. vii, p. 534.
  2. Voy. Platon, Phèdre, p. 246.