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LIVRE HUITIÈME.

On dira peut-être qu’il faut maîtriser ces dispositions du corps. Mais le principe qui peut en triompher n’est pur que s’il fuit d’ici-bas. Les appétits qui ont le plus de force proviennent d’une certaine complexion du corps, et diffèrent selon sa nature : il en résulte qu’il n’est pas facile de les maîtriser. Il est des hommes qui n’ont pas de jugement parce qu’à cause de leur mauvaise complexion ils sont froids et lourds. Il en est d’autres au contraire que leur tempérament rend légers et inconstants. On a la preuve de ce que nous avançons dans la diversité des dispositions où nous nous trouvons successivement nous-mêmes. Quand nous sommes dans un état de plénitude, nous avons d’autres appétits, d’autres pensées que lorsque nous sommes dans un état de vacuité ; enfin nos dispositions varient même selon la nature de cet état de plénitude.

En un mot, le premier mal, c’est ce qui par soi-même manque de mesure ; le second, c’est ce qui tombe dans la défaut de mesure par accident, soit par assimilation, soit par participation. Au premier rang sont les ténèbres ; au second, ce qui est devenu ténébreux. Ainsi le vice, étant dans l’âme l’effet de l’ignorance et d’un défaut de mesure, tient le second rang ; il n’est pas le Mal absolu, parce que de son côté la vertu n’est pas le Bien absolu : elle n’est bonne que par son assimilation, par sa participation au Bien.

IX. Comment connaissons-nous le vice et la vertu[1] ? Pour la vertu, nous la connaissons par l’intelligence même et par la sagesse : car la sagesse se connaît elle-même. Mais le vice, comment pouvons-nous le connaître ? Le voici : De même que nous nous apercevons qu’un objet n’est pas droit en lui appliquant une règle, nous discernons le vice

  1. Plotin revient à la deuxième des questions qu’il avait posées dans le § Ier de ce livre : « Par laquelle de nos facultés connaissons-nous la nature du mal ? »