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PREMIÈRE ENNÉADE.

ce sont, par exemple, la chaleur, le froid, l’amertume, l’âcreté et les autres qualités des humeurs, c’est l’état de vacuité ou de plénitude de certains organes, ce sont en un mot certaines dispositions qui produisent la différence des appétits, et, si l’on veut, des fausses opinions. Le Mal est donc la forme plutôt que la matière. — Dans cette hypothèse même on n’en est pas moins forcé de convenir que c’est la matière qui est le Mal. Ce qu’une qualité produit quand elle est dans la matière, elle ne le produit plus quand elle en est séparée : ainsi la forme de la hache ne coupe pas sans le fer. D’ailleurs les formes qui sont dans la matière ne sont pas ce qu’elles seraient si elles se trouvaient hors d’elle ; les raisons [séminales][1] unies à la matière sont corrompues par elle et remplies de sa nature. Comme le feu séparé de la matière ne brûle pas, aucune forme, lorsqu’elle reste en elle-même, ne fait ce qu’elle fait quand elle est dans la matière. Celle-ci, maîtrisant tout principe qui y apparaît, l’altère et le corrompt en lui donnant sa propre nature, qui est contraire au Bien. Ce n’est pas qu’elle substitue le froid à la chaleur ; mais elle adjoint à la forme, par exemple à la forme du feu, sa substance informe, à la figure son manque de figure, à la mesure son excès et son défaut, procédant ainsi jusqu’à ce qu’elle ait fait perdre aux choses leur nature et ait transformé cette nature en la sienne propre. C’est ainsi que, dans la nutrition des animaux, ce qui a été ingéré ne reste pas tel qu’il était auparavant : les aliments qui entrent dans le corps d’un chien, par exemple, sont par l’assimilation transformés en sang et en humeurs de chien, et en général se modifient selon la nature de l’animal qui les reçoit. Ainsi c’est la matière qui est la cause des maux dans l’hypothèse même où l’on rapporterait les maux au corps.

  1. Λόγοι. Pour le sens de ce mot, Voy. ci-dessus la note sur le § 2 du vie livre, p. 101.