Page:Plotin - Ennéades, t. I.djvu/249

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
108
PREMIÈRE ENNÉADE.

semblable à Dieu[1], parce qu’il est le principe de la Beauté et des essences ; ou plutôt l’Être est la Beauté, l’autre nature[2] [le non-être, la matière] est la laideur. Celle-ci est le mal premier, le mal même, comme Celui-là [le Premier principe] est le Bien et le Beau : car il y a identité entre le Bien et la Beauté[3]. Aussi est-ce par les mêmes moyens qu’on doit étudier la beauté et le bien, la laideur et le mal. Il faut assigner le premier rang à la Beauté, qui est identique avec le Bien et dont dérive l’Intelligence qui est belle par elle-même. L’âme est belle par l’Intelligence, puis les autres choses comme les actions, les études, sont belles par l’âme qui leur donne une forme. C’est encore l’âme qui rend beaux les corps auxquels on attribue cette perfection : étant une essence divine, et participant à la Beauté, quand elle s’empare d’un objet et le soumet à son empire, elle lui donne toute la beauté que la nature de cet objet le rend capable de recevoir.

VII. Il nous reste maintenant à remonter au Bien auquel toute âme aspire. Quiconque l’a vu, connaît ce qui me reste à dire, sait quelle est la beauté du Bien. En effet, le Bien est désirable par lui-même[4] ; il est le but de nos désirs. Pour l’atteindre, il faut nous élever vers les régions supérieures, nous tourner vers elles et nous dépouiller du vêtement que nous avons revêtu en descendant ici-bas, comme, dans les mystères, ceux qui sont admis à pénétrer au fond du sanctuaire, après s’être purifiés, dépouillent tout vêtement, et s’avancent complètement nus[5].

  1. Voy. Platon, République, liv. X, p. 613. Voy. aussi ci-dessus le début du livre Des Vertus, p. 51.
  2. Voy. Platon, Timée, p. 35.
  3. Voy. Enn. VI, liv. vii, § 21, 22, 31-34 ; et Platon : Philèbe, p. 64 ; Ier Alcibiade, p. 115.
  4. Voy. Enn. V, liv. viii, § 9.
  5. Ceux qui voulaient être initiés aux mystères d’Éleusis passaient par différents degrés dont le premier était la purification, ϰαθαρμὸς. Ils se dépouillaient de leurs vêtements, comme le prouvent des vases grecs où ils sont représentés nus.