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LIVRE CINQUIÈME.

c’est dans le présent seul que nous avons placé le bonheur. Ensuite nous nous sommes demandé si la longueur du temps ajoute au bonheur. Il nous reste donc à examiner si un bonheur de longue durée est supérieur parce qu’il permet de faire plus de belles actions. D’abord celui qui n’agit pas peut être heureux autant, plus même que celui qui agit. En outre ce ne sont pas les actions qui par elles-mêmes donnent le bonheur ; ce sont les dispositions de l’âme ; elles sont même le principe des belles actions. Lors même qu’il agit, ce n’est pas parce qu’il agit que le sage jouit du bien : il ne le tient pas de choses contingentes, mais de ce qu’il possède en lui-même. Il peut en effet arriver à un homme vicieux de sauver sa patrie ou de ressentir du plaisir en la voyant sauvée par un autre. Ce n’est donc pas là ce qui donne les jouissances du bonheur ; c’est à la disposition constante de l’âme qu’il faut rapporter la vraie béatitude et les jouissances qu’elle procure. La placer dans les actions, c’est la faire dépendre de choses étrangères à l’âme et à la vertu. L’acte propre de l’âme consiste à être sage, à exercer son activité en elle-même ; voilà la vraie béatitude.