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LIVRE TROISIÈME.

arrivée à l’unité, elle considère celle étude qu’on nomme Logique, et qui traite des propositions et des arguments, comme un art subordonné [à la Dialectique] autant que l’écriture l’est à la pensée ; elle y reconnaît quelques principes comme nécessaires et comme constituant des exercices préparatoires ; mais, soumettant à sa critique ces principes mêmes comme toute autre chose, elle déclare les uns utiles, les autres superflus et propres seulement à la méthode qui s’occupe de cette sorte de recherches.

V. Mais d’où cette science tire-t-elle ses propres principes ? L’intelligence fournit à l’âme les principes clairs que celle-ci est capable de recevoir. Une fois en possession de ces principes, la dialectique en ordonne les conséquences ; elle compose, elle divise, jusqu’à ce qu’elle soit arrivée à une parfaite intelligence des choses : car, dit Platon, elle est l’application la plus pure de l’intelligence et de la sagesse[1]. S’il en est ainsi, si la dialectique est le plus noble exercice de nos facultés, il faut qu’elle s’occupe de l’être et des objets les plus élevés. Car la sagesse étudie l’être ; et l’intelligence, ce qui est encore au-dessus de l’être [l’Un, le Bien]. Mais, nous dira-t-on, qu’est-ce donc que la Philosophie ? N’est-ce pas aussi ce qu’il y a de plus éminent ? Oui, sans doute. La philosophie se confond-elle donc avec la dialectique ? Non, répondrons-nous : la dialectique est la partie la plus élevée de la philosophie. Il ne faut pas croire qu’elle ne soit qu’un instrument pour la philosophie, ni qu’elle ne s’occupe que de pures spéculations et de règles abstraites[2]. Elle étudie les choses elles-mêmes, et a pour matière les êtres [réels]. Elle y arrive en suivant une mé-

  1. Plotin fait sans doute allusion à ce passage du Sophiste de Platon, p. 253 : Τό γε διαλεϰτιϰὸν οὐϰ ἄλλῳ δώσεις πλὴν τὸ ϰαθαρῶς τε ϰαὶ διϰαίως φιλοσοφοῦντι. Voy. aussi sur la Dialectique, telle que la concevait Platon, les passages cités dans la première note de ce livre.
  2. Le mot Instrument, Ὀργάνον, rappelle la logique d’Aristote ; celui de Règles, Κανόνες, rappelle celle d’Épicure.