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LIVRE DEUXIÈME.

même, ce qui lui resterait après s’être purifiée, ce serait le bien, et non la purification. Que reste-t-il donc ? Ce n’est pas le bien ; sinon, l’âme ne serait pas tombée dans le mal. Elle a donc la forme du bien, sans être cependant capable de rester solidement attachée au bien, parce que sa nature lui permet d’incliner également au bien et au mal. Le bien de l’âme, c’est de rester unie à l’intelligence dont elle est sœur ; son mal, de s’abandonner aux choses contraires. Il faut donc, après avoir purifié l’âme, l’unir à Dieu ; or, pour l’unir à Dieu, il faut la tourner vers lui. Cette conversion[1] ne commence pas à s’opérer après la purification ; elle en est le résultat même. La vertu de l’âme ne consiste pas alors dans sa conversion, mais dans ce qu’elle obtient par sa conversion. Or qu’obtient-elle ? l’intuition de l’objet intelligible, son image produite et réalisée en elle, image semblable à celle que l’œil a des choses qu’il voit. Faut-il en conclure que l’âme ne possédait pas cette image, qu’elle n’en avait pas de réminiscence ? Elle la possédait sans doute, mais inactive, latente, obscure. Pour la rendre claire, pour connaître ce qu’elle possède, l’âme a besoin de s’approcher de la source de toute clarté. Or, comme elle ne possède que les images des intelligibles sans posséder les intelligibles mêmes, il est nécessaire qu’elle compare avec eux les images qu’elle en a. Il est facile à l’âme de contempler les intelligibles, parce que l’intelligence ne lui est pas étrangère ; il suffit à l’âme, pour entrer en commerce avec elle, de tourner vers elle ses regards. Sinon, l’intelligence reste étrangère à l’âme, quoiqu’elle soit présente en elle. C’est ainsi que toutes nos connaissances sont pour nous comme si elles n’existaient pas quand nous ne nous en occupons pas.

V. Jusqu’où conduit la purification ? telle est la ques-

  1. Ἐπιστροφή. Voy. Enn. V, liv. i, § 1.