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LIVRE DEUXIÈME.

-haut de plus parfait. Ce qui n’a aucune mesure, n’étant que matière informe, ne peut aucunement ressembler à la divinité : car on s’assimile d’autant plus à l’être qui n’a pas de forme qu’on participe plus de la forme ; et on participe d’autant plus de la forme qu’on en est plus proche. C’est ainsi que notre âme, qui par sa nature en est plus proche que le corps, par cela même participe davantage de l’essence divine, et pousse assez loin la ressemblance qu’elle a avec elle pour faire croire que Dieu est tout ce qu’elle est elle-même. C’est de cette manière que les hommes qui possèdent les vertus civiles s’assimilent à Dieu.

III. Platon indiquant un autre mode d’assimilation comme le privilége d’une vertu supérieure[1], nous parlerons de cet autre mode. Par là on comprendra mieux quelle est l’essence de la vertu civile, et ce qu’est cette autre vertu d’une nature supérieure, et en quoi elle diffère de la précédente. Quand Platon dit qu’on s’assimile à Dieu en fuyant d’ici-bas, et qu’au lieu d’appeler simplement du nom de vertus les vertus qui ont rapport à la vie sociale, il y ajoute l’épithète de civiles, enfin lorsque dans un autre endroit il dit que toutes les vertus sont des procédés de purification[2], il distingue évidemment deux sortes de vertus, et ce n’est pas aux vertus civiles qu’il attribue le pouvoir de nous assimiler à Dieu.

À quel titre donc peut-on dire que les vertus purifient, et comment en nous purifiant nous rapprochent-elles le plus possible de la divinité ? L’âme est mauvaise tant qu’elle est mêlée au corps, qu’elle partage ses passions, ses opinions ; elle ne devient meilleure et n’entre en possession de la vertu, que lorsqu’au lieu d’opiner avec le corps, elle pense par elle-même (ce qui est la vraie pensée et constitue la prudence), lorsqu’elle cesse de partager ses passions (ce qui est la tempérance), qu’elle ne craint pas d’être séparée

  1. Théétète, p. 178.
  2. Voy. Platon, Phédon, p. 89.