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PREMIÈRE ENNÉADE.

jusqu’à la partie moyenne de notre être[1]. Mais le principe supérieur n’est-il pas nôtre aussi ? Oui, sans doute, mais il faut que nous en ayons conscience : car nous n’usons pas toujours de ce que nous possédons. Or nous en usons lorsque nous dirigeons la partie moyenne de notre être soit vers le monde supérieur, soit vers le monde inférieur, quand nous amenons à l’acte ce qui jusque-là n’était qu’en puissance, ce qui n’était qu’une simple disposition.

Demandons-nous enfin ce qu’est dans les animaux le principe qui les anime. S’il est vrai, comme on le dit, que les corps d’animaux renferment des âmes humaines qui ont péché, la partie de ces âmes qui est séparable n’appartient pas en propre à ces corps ; tout en les assistant, elle ne leur est pas, à proprement parler présente[2]. En eux, la sensation est commune à l’image de l’âme et au corps, mais au corps en tant qu’organisé et façonné par l’image de l’âme. Pour les animaux dans le corps desquels ne se serait pas introduite une âme humaine, ils sont produits par une illumination de l’Âme universelle.

XII. Si l’âme ne peut pécher, comment se fait-il qu’elle soit punie ? Cette opinion est en complet désaccord avec la croyance universellement admise que l’âme commet des fautes, qu’elle les expie, qu’elle subit des punitions dans les enfers et qu’elle passe dans de nouveaux corps. Quoiqu’il semble nécessaire d’opter entre ces deux opinions, peut-être pourrait-on montrer qu’elles ne sont pas incompatibles. En effet, quand on attribue à l’âme l’infaillibilité, c’est qu’on la suppose une et simple, en identifiant l’âme et

  1. Τὸ μέσον. Cette partie moyenne ou intermédiaire, ce milieu est, selon Plotin, l’imagination, par laquelle « l’âme, établie sur les confins du monde sensible et du monde intelligible, peut se porter également vers l’un ou vers l’autre. » Enn. IV, liv. iii, § 3. Voy. aussi Enn. I, liv. iv, § 10, et Enn. IV, liv. iii, § 30, 31.
  2. Pour comprendre cette doctrine, qui est indiquée ici trop brièvement, Voy. l’Enn. IV liv. iii, § 19-23, et l’Ennéade VI, liv. vii, § 6, 7.