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LIVRE PREMIER.

monde intelligible, et divisible par rapport aux corps. En effet, elle est divisible relativement aux corps, puisqu’elle se répand dans toute l’étendue de chacun d’eux tant qu’ils vivent ; mais en même temps elle est indivisible, parce qu’elle est une dans l’univers ; elle paraît être présente aux corps, elle les illumine ; elle en forme des êtres vivants, non en faisant un composé du corps et de sa propre essence, mais en restant identique ; elle produit en chacun d’eux des images d’elle-même[1], comme le visage se réfléchit dans plusieurs miroirs. La première de ces images est la sensation, qui réside dans la partie commune [l’animal] ; viennent ensuite toutes les autres formes de l’âme, formes qui dérivent successivement l’une de l’autre, jusqu’à la faculté génératrice et végétative, et en général jusqu’à la puissance qui produit et façonne autre chose que soi, ce qu’elle fait dès qu’elle se tourne vers l’objet qu’elle façonne[2].

IX. En concevant ainsi la nature de l’âme, elle sera étrangère au mal que l’homme fait et à celui qu’il souffre : car tout cela n’appartient qu’à l’animal, à cette partie commune, entendue comme nous l’avons expliqué. Mais si l’opinion et le raisonnement appartiennent à l’âme, comment celle-ci sera-t-elle impeccable ? car l’opinion est trompeuse et nous fait commettre bien du mal. Peut-être, répondrons-nous, est-ce parce qu’alors nous sommes subjugués par la partie inférieure. Souvent, en effet, nous cédons aux appétits, à la colère, nous sommes dupes de

  1. Ces images de l’âme universelle sont pour Plotin des puissances ou facultés de l’âme, savoir : la puissance sensitive, la puissance végétative, la puissance génératrice, puissance qu’il appelle aussi la nature, et qui, selon ses propres expressions, « donne à la chose qu’elle façonne une forme différente de sa propre forme. » Voy. Enn. IV, liv. iv, § 13-14.
  2. Cette fin de phrase, assez obscure d’ailleurs, est une allusion à la théorie de Plotin sur la manière dont l’âme produit le corps : se tourner équivaut ici à incliner, expression employée un peu plus loin, § 12, où la même idée est exprimée.