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PREMIÈRE ENNÉADE.

cédentes sont nôtres sans doute ; mais nous[1], nous sommes le principe supérieur qui d’en haut dirige l’animal. Rien n’empêchera cependant de donner au tout le nom d’animal ; mais dans ce tout, il faudra distinguer une partie inférieure, qui est mêlée au corps, et une partie supérieure, qui est l’homme véritable. La première [l’âme irraisonnable] constitue la bête, le lion, par exemple ; la deuxième est l’âme raisonnable, qui constitue l’homme : dans tout raisonnement, c’est nous qui raisonnons, parce que le raisonnement est l’opération propre de l’âme[2].

VIII. Dans quel rapport sommes-nous avec l’Intelligence ? J’entends parler ici, non de l’habitude que l’Intelligence donne à l’âme, mais de l’Intelligence absolue elle-même[3]. Elle est au-dessus de nous, mais elle est ou commune à tous les hommes, ou particulière à chacun d’eux, ou enfin commune et particulière à la fois : commune, parce qu’elle est indivisible, une et partout la même ; particulière, parce que chacun la possède tout entière dans la première âme[4] [l’âme raisonnable]. Nous possédons de même les idées de deux manières : dans l’âme, elles se présentent comme développées et séparées ; dans l’intelligence, elles existent toutes ensemble[5].

Dans quel rapport sommes-nous aussi avec Dieu ? Lui, il plane sur le monde intelligible, se reposant dans l’essence véritable ; tandis que nous, placés au troisième rang, nous participons de l’essence de l’Âme universelle, essence qui, comme le dit Platon[6], est indivisible parce qu’elle fait partie du

  1. Le mot ἡμεῖς correspond ici exactement à ce que la philosophie moderne appelle le Moi.
  2. Voy. la Note, p.327, 341.
  3. Dieu [l’Un, le Bien], l’Intelligence, et l’Âme universelle sont les trois hypostases divines admises par Plotin. Voy. Théorie des trois hypostases divines, p. 320 ; Rapports de l’âme humaine avec les trois hypostases divines, p. 329.
  4. C’est une expression empruntée à Aristote (De l’Âme, I, 2). Voy. l’extrait de Ficin, p. 392.
  5. Voy. p. lxxiii, 344-352.
  6. Voy. p. xci-xciii, et l’extrait du Timée cité p. 367.