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LIVRE PREMIER.

encore une fois, qui sentira ? Est-ce le composé ? Mais, si la faculté n’entre pas en jeu, comment le composé pourra-t-il encore sentir, puisqu’on ne compte plus comme élément de ce composé ni l’âme ni la faculté sensitive[1] ?

VII. Le composé résulte de la présence de l’âme : non que l’âme entre dans le composé ou constitue un de ses éléments ; mais du corps organisé et d’une espèce de lumière qu’elle fournit elle-même, l’âme forme la nature animale, qui diffère à la fois de l’âme et du corps, et à laquelle appartient la sensation, ainsi que toutes les passions que nous avons attribuées à l’animal[2].

Si maintenant on nous demande comment il se fait que nous sentions, nous répondrons : c’est que nous ne sommes pas séparés de la nature animale, bien qu’il y ait en nous des principes d’un genre plus élevé qui concourent à former l’ensemble si complexe de la nature humaine[3]. Quant à la faculté de sentir qui est propre à l’âme, elle ne doit pas percevoir les objets sensibles eux-mêmes, mais seulement leurs formes, imprimées à l’animal par la sensation. Car ces formes ont déjà quelque chose de la nature intelligible : la sensation extérieure propre à l’animal n’est en effet que l’image de la sensation propre à l’âme, sensation qui, par son essence même, est plus vraie, plus réelle, puisqu’elle consiste à regarder seulement des images en restant impassible[4]. C’est à ces images, au moyen desquelles l’âme a seule le pouvoir de diriger l’animal, c’est, disons-nous, à ces images que s’appliquent le raisonnement, l’opinion, la pensée, qui nous constituent principalement[5]. Les facultés pré-

  1. Les mots ἢ τὸ συναμφότερον qui terminent le § 6 doivent être reportés au commencement du § 7.
  2. Voy. les fragments de Porphyre et d’Ammonius, p. lx, lxiii, lxiv, lxviii, lxxix, xciii, xcvi, xcviii, et la Note sur la nature animale, p. 362-377.
  3. Les principes qui constituent la nature humaine sont l’Intelligence et l’Âme raisonnable (p. 325-330).
  4. Sur la Sensation extérieure et la Sensation intérieure, Voy. p. 325, 332.
  5. Voy. p. lxxviii.