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PREMIÈRE ENNÉADE.

encore communes : elles appartiendront soit à l’âme seule, soit au corps seul. Il en est qui, pour naître, ont besoin que le sang et la bile s’échauffent et que le corps soit dans un certain état qui excite le désir, comme dans l’amour physique. D’un autre côté, l’amour du bien n’est pas une affection commune ; c’est une affection propre à l’âme, ainsi que plusieurs autres. La raison ne permet donc pas de rapporter toutes les affections au composé de l’âme et du corps.

Mais, dans l’amour physique par exemple, l’homme[1] éprouvera-t-il un désir, et l’appétit concupiscible en éprouvera-t-il autant de son côté ? Mais alors, comment ? Dira-t-on que l’homme commencera à éprouver le désir et que l’appétit concupiscible s’exercera à la suite ? Comment alors l’homme pourra-t-il éprouver un désir sans que l’appétit concupiscible soit en jeu ? Dira-t-on que c’est l’appétit concupiscible qui commencera ? Mais comment entrera-t-il en exercice si le corps ne se trouve préalablement dans les dispositions convenables ?

VI. Peut-être vaut-il mieux dire en général que par leur présence les facultés de l’âme font agir les organes qui les possèdent, et que, tout en restant immobiles, elles leur donnent le pouvoir d’entrer en mouvement[2]. Mais, s’il en est ainsi, il est nécessaire que, lorsque l’animal éprouve une passion, la cause qui lui communique la vie reste elle-même impassible, les passions et les actions devant appartenir seulement à la substance qui reçoit la vie. Dans ce cas, la vie n’appartiendra pas à l’âme, mais au composé, ou du moins la vie du composé ne sera pas la vie de l’âme ; ce ne sera pas non plus la faculté sensitive qui sentira, mais l’être qui possède cette faculté. Cependant, si la sensation, qui n’est qu’un mouvement excité dans le corps, aboutit à l’âme, comment celle-ci ne sentira-t-elle pas ? Dira-t-on que s’il y a sensation, c’est par l’effet de la présence de la faculté sensitive ? Mais

  1. L’homme, c’est l’âme. Voy. § 7, 9, 10.
  2. V. Enn. IV, liv. iii, § 22, 23.