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PREMIÈRE ENNÉADE.

du corps[1], ou quelque autre chose, d’une nature toute différente, provenant de ce mélange[2].

On doit se poser les mêmes questions au sujet de tout ce qui naît des passions énumérées plus haut, au sujet des actes, des opinions[3] : ainsi, le raisonnement (διάνοια), l’opinion (δόξα), appartiennent-ils tous deux au même principe que les passions[4], ou l’une de ces opérations seulement appartient-elle à ce principe et l’autre à un principe différent ? Il faut aussi examiner, au sujet de la pensée (νοήσις)[5], quelle en est la nature et à qui elle appartient. Enfin, on aura à rechercher ce qu’est ce principe même qui se livre à un tel examen, qui pose de telles questions et qui en donne la solution[6].

Avant tout, à qui appartient la faculté de sentir ? Car c’est par là qu’il convient de commencer, puisque les passions sont des manières de sentir ou que du moins elles ne sauraient exister sans la sensation[7].

II. Considérons d’abord l’âme [pure]. L’âme et l’essence de l’âme (ψυχῇ εἶναι) sont-elles deux choses différentes ?

Si ce sont deux choses différentes, l’âme est un composé, et dès lors il n’y a plus à s’étonner que l’âme et son essence éprouvent à la fois, autant du moins que la raison

  1. Voyez pour cette question le § 4.
  2. Voy. § 7, 11.
  3. Voy. § 7, 9, 12.
  4. Le mot passion par lequel nous traduisons πάθος, doit être entendu dans le sens de modification de l’âme, d’état passif.
  5. Νοήσις signifie la pensée intuitive, l’acte de l’intelligence qui contemple les êtres véritables (νοῦς θεωρεῖ τά ὄντα). Διανοία signifie la pensée discursive, l’acte de la raison discursive (τὸ διανοητιϰὸν) ou de l’âme raisonnable (ἡ λογιϰὴ ψυχὴ), qui conçoit, juge, raisonne (διανοεῖ, ϰρίνει, λογίζεται). L’étymologie du mot διανοία indique que la pensée discursive s’exerce par le moyen de l’intelligence, διὰ νοῦ, parce qu’elle en reçoit les notions qu’elle développe en raisonnant (Enn. V, liv. iii, § 3) ; aussi Plotin emploie-t-il ordinairement comme équivalents les termes διανοία (pensée discursive, conception) et λογισμὸς (raisonnement). Voy. § 7, 9.
  6. Voy. ci-après, § 8, 13.
  7. Voy. § 7.