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PAR PORPHYRE.

Finissons, Muses, cet hymne en l’honneur de Plotin ; cessez de tourner en formant un chœur agile. Voilà ce que ma lyre d’or allait à dire de cet homme éternellement heureux[1]. »

XXIII. L’oracle dit que Plotin était bon, avait un caractère affable, indulgent, doux[2], tel que nous l’avons connu nous-même par notre propre expérience. Il nous apprend aussi que ce philosophe dormait peu, qu’il avait une âme pure, toujours élevée vers la divinité qu’il aimait de tout son cœur, et qu’il faisait tout pour s’affranchir [de l’existence terrestre], « pour échapper aux vagues amères de cette vie cruelle. »

C’est ainsi surtout que cet homme divin[3], qui par ses pensées s’élevait souvent au Premier [principe], au Dieu supérieur [à l’Intelligence], en gravissant les degrés indiqués par Platon[4], eut la vision du Dieu qui n’a pas de forme, qui n’est pas une idée, qui est édifié au-dessus de l’Intelligence et de tout le monde intelligible[5]. J’ai eu moi-même une fois le bonheur d’approcher de ce Dieu et de m’y unir, lorsque j’avais soixante-huit ans[6].

Ainsi « le but [que Plotin se proposait d’atteindre] lui apparut placé près de lui. » En effet, son but, sa fin était de s’approcher du Dieu suprême et de s’y unir. Pendant que je demeurais avec lui, il eut quatre fois le bonheur de toucher à ce but, non par simple puissance, mais par un acte réel et ineffable. L’oracle ajoute que les dieux remirent souvent Plotin dans la droite voie quand il s’en écartait, « en éclairant ses yeux par des rayons

  1. Cet oracle n’est qu’un centon des anciennes poésies grecques, principalement des poésies attribuées à Orphée.
  2. On ne trouve pas dans l’oracle précédent les termes auxquels Porphyre fait allusion dans cette phrase.
  3. Ficin traduit τούτῳ τῷ δαιμονίῳ φωτὶ par hos divino lumine. Ce sens ne paraît pas admissible : Porphyre, expliquant l’oracle, emploie le langage poétique, dans lequel φὼς signifie homme ; δαιμονίῳ rappelle le vers 11 où Plotin est appelé δαίμων ; en outre, dans les vers 19-22 de l’oracle, auxquels Porphyre fait ici allusion, φάνθη a pour régime σϰαίροντι, par conséquent Plotin.
  4. Voy. Platon, Banquet, p. 210.
  5. Voy. Enn. VI, liv. vii, § 33.
  6. On voit par ce passage que Porphyre avait environ soixante-dix ans quand il écrivit la vie de Plotin.